Sam Peckinpah est le premier cinéaste à avoir franchement déboulonné le mythe de l’Ouest dans ses anti-westerns, à la fois apothéoses et apocalypses du genre. La ressortie de La Horde sauvage et de Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia, s’accompagne de la sortie d’un livre de François Causse : Sam Peckinpah, la violence du crépuscule.
Soi-disant petit-fils d’un chef indien, personnage lettré et redouté qui se trimballait en permanence avec un flingue, Sam Peckinpah (1926-1984) est le cinéaste qui a sonné le glas du western. Mais de quelle façon ! Sans son regard désillusionné sur le genre et sa légende, sans ses inventions stylistiques (montage éclaté, scènes violentes au ralenti), tout un pan du cinéma n’aurait peut-être pas existé. Qu’auraient fait Sergio Leone, principal disciple de Peckinpah, et les autres spécialistes du western spaghetti, qu’auraient fait Clint Eastwood et même John Woo ? Mystère ! Ils doivent tous beaucoup à ce grand cynique qui répondit à la violence du monde moderne par la violence.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Dès son second film, Coups de feu dans la Sierra (1962), il donne le ton. Faisant appel à de vieilles gloires vieillissantes du western, Randolph Scott et Joel McCrea, Peckinpah s’acharne à démolir pierre par pierre la légende de l’Ouest. Insufflant le réalisme dans un genre qui ne s’était guère soucié de véracité jusque-là (hormis quelques rares exceptions), Peckinpah inaugure ce qu’on a appelé le western crépusculaire . Non seulement ses héros sont fatigués, mais ils sont loin d’avoir la pureté et la droiture de leurs prédécesseurs boy-scout.
Le cinéaste continuera sur sa lancée, jusqu’à l’apothéose opératique de La Horde sauvage (1969), tragédie bestiale située au Mexique, bain de sang, où les massacreurs n’ont pas plus d’intégrité morale que les massacrés. Après cette grandiose et terrible fête baroque, le western américain disparaîtra peu à peu, jusqu’au jour où Clint Eastwood, sortira le genre moribond de son tombeau, et lui conféra une seconde vie fantomatique. Peckinpah tournera certes encore quelques westerns, mais qui en dehors du tragique Pat Garrett et Billy le Kid (1973), décriront inlassablement la destruction de la tradition par la civilisation industrielle (Cf. Un nommé Cable Hogue, Junior Bonner, Apportez-moi la tête de Alfredo Garcia).
Par ailleurs, le cinéaste s’aventurera dans d’autres genres, à partir des Chiens de paille (1970) ? un thriller éprouvant où un jeune intellectuel pacifiste tombe malgré lui dans l’engrenage de la violence et commet un massacre. Jouant sur deux tableaux, l’analyse de la naissance d’un processus assimilable au fascisme et le spectacle de ce processus lui-même, Peckinpah tentera de récidiver dans le même registre avec un polar adapté de Jim Thompson, Guet-apens (1972), célèbre pour l’épisode horrifique du camion d’ordures. Il réussira moins bien avec un thriller d’espionnage confus comme Tueur d’élite (1975), malgré l’indéniable brio de la mise en scène.
Le film le plus étrange du cinéaste reste Croix de fer (1978), son unique film de guerre. Situé sur le front allemand en 1943, cette uvre d’outre-tombe est sans doute l’ uvre la plus glauque et démoralisante jamais tournée sur la guerre. Curieux cinéaste qui para le bellicisme et la sauvagerie inhérente à l’âme humaine des atours les plus sordides, tout en cédant à la fascination devant ces excès et ces errements meurtriers.
{"type":"Banniere-Basse"}