On avait fait connaissance avec le cinéma de Marc Recha il y a deux ans avec le superbe L’Arbre aux cerises. Avec Pau et son frère, Recha sarcle les mêmes lopins -l’observation attentive d’une petite communauté villageoise-, mais il le fait de façon radicalement différente. Là où L’Arbre était solidement scénarisé, filmé très posément dans […]
On avait fait connaissance avec le cinéma de Marc Recha il y a deux ans avec le superbe L’Arbre aux cerises. Avec Pau et son frère, Recha sarcle les mêmes lopins -l’observation attentive d’une petite communauté villageoise-, mais il le fait de façon radicalement différente. Là où L’Arbre était solidement scénarisé, filmé très posément dans un style sobrement classique, Pau’ a été improvisé au jour le jour, et filmé caméra à l’épaule avec une équipe réduite. Le résultat est aussi fort et aussi beau dans les deux cas.
Le cinéma de Recha n’a rien à voir avec tous ces films post-Movida qui donnent souvent dans le sous-Almodovar. « Mon cinéma est différent de celui de la Movida, peut-être parce qu’à Barcelone, nous sommes proches de la France et nous tournons notre regard de ce côté. C’est compliqué de définir Barcelone parce que c’est une ville très mélangée. Il y a un fort sentiment catalan, mais la culture catalane, c’est quoi exactement ? Moi, je me sens proche du cinéma français, d’un cinéma plutôt contemplatif. Au moment de la Movida, j’aurais plutôt émigré à Paris qu’à Madrid, une attitude normale pour un barcelonais. Et puis après trente-huit années de plomb franquistes, on regarde ailleurs que vers la ville qui symbolise la dictature centralisée Ça ne veut pas dire qu’on est contre le cinéma de la Movida, mais on est curieux d’autres territoires et on pratique notre cinéma en francs-tireurs. Notre seule bannière serait le drapeau pirate ! Je n’aime pas le terme « espagnol », il symbolise trop pour moi l’uniformité, la centralisation, le fascisme. Je préfère dire Catalan, Castillan, Basque, Breton, Gallois’ c’est plus pluriel. Trente-huit ans de dictature, c’est horrible. Et la transition, pfff Transition manipulée, préparée, par les Américains, par les états capitalistes, comme au Chili ou en Argentine. Cette transition, c’était un nouvel exemple de la tutelle exercée par les pays riches sur les pays pauvres. Personne n’a demandé son avis au peuple. Si j’avais eu l’âge et qu’on m avait permis de voter à l’époque, j’aurais voté non à la nouvelle Constitution. Et je n’aurais pas été le seul. Le cinéma est au-dessus des contingences politiques ou nationales, il est au-dessus des frontières. Le cinéma est un espace de liberté, c’est la pays du regard« .
Pau’ raconte l’histoire d’un quarantenaire qui, apprenant le décès de son frère, quitte Barcelone avec sa mère pour se rendre dans le village du défunt. Là, le travail de deuil va commencer, des liens vont se dénouer et se renouer, le passé des gens va affleurer Pau’ est un film taiseux et contemplatif, un pur objet de regard sensuel et de captation de la matière filmique, qu’elle soit humaine ou paysagère.
« Pau’ traite de l’idée de communauté, des façons de vivre collectivement. L’expérience vitale et réelle de ce tournage (vivre et travailler ensemble pendant une période), devait nous amener vers la fiction. Bon, cette méthode n’est pas nouvelle, elle a été expérimentée par des cinéastes comme Rossellini, Eustache, Cassavetes, Garrel’ J’ai beaucoup pensé au Voyage en Italie de Rossellini, à sa façon de confronter les personnages aux paysages. Les personnages de Pau’ sont en situation d’attente, comme s’ils attendaient tous une révélation. Si Rossellini était catholique, moi je suis plutôt anarchiste ! Mais le cinéma a à voir avec la transcendance. Le cinéma, c’est le regard ; et le regard, c’est attendre les choses, attendre qu’elles se révèlent. Pour cette raison, le temps est très important, il est intimement lié au regard. Le temps de préparer un film, le temps de tourner, le temps d’attendre la lumière. C’était tout l’objet de ma recherche dans Pau' ».
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