Tranquille et audacieux, théorique et incarné, Pas de scandale excelle à conjuguer les contraires.
Sur un embryon de roman de Jérôme Beaujour, co-auteur du scénario, Pas de scandale commence par poser un théorème fictionnel qui laisse présager le pire : un grand patron (Luchini) sort de prison après avoir purgé quatre mois pour « abus de biens sociaux », retrouve sa vie bourgeoise dans le XVIe arrondissement, sa femme qu’il vouvoie (Huppert) et son frère (Lindon), journaliste vedette à la télévision. Impossible de ne pas penser à Tapie et PPDA, lourd handicap de départ, risque de ridicule achevé. D’autant que Beaujour et Jacquot en rajoutent plusieurs couches, dans le langage « air du temps » (« T’es un peu jetlagué, non ? », « Je vais le briefer », etc.) comme dans l’exacerbation de certains codes sociaux (la très parisienne Huppert est toujours mal garée, le très médiatique Lindon se nourrit de « tartare-salade-brouilly » et abuse de la lampe à bronzer, et il y a un peu trop de téléphones portables dans le hall de l’entreprise). Pas de scandale
fait donc partie de ces films finalement assez rares, et rarement réussis qui osent se coltiner l’écume des apparences pour nourrir leur propos. Alors qu’un Chabrol traite ça par le grotesque trivial, Jacquot refuse la charge antibourgeoise comme la complaisance de classe pour se retrouver à son corps défendant ? du côté du plus mésestimé des grands cinéastes français, Claude Sautet. Moelleux et sévère, ramassé et éclaté, épais et pétillant, très écrit et finalement très libre, Pas de scandale réussit à résoudre les contraires. Et se pose en modèle de film (très) français.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
{"type":"Banniere-Basse"}