Les retrouvailles d’un couple algérien séparé par l’exil. Emouvant.
Dans la galaxie de l’immigration algérienne, je demande la première génération, celle de ces dames “invisibles” et de ces papys discrets que l’on voit parfois papoter sur les bancs publics de nos villes ou jouer aux dominos dans les cafés maghrébins. Ils ont aujourd’hui entre 70 et 80 ans, sont peu filmés (on se souvient de quelques belles scènes dans La Graine et le Mulet d’Abdellatif Kechiche), et on sait gré à Lidia Leber Terki de leur avoir consacré ce film sensible.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
On y suit la belle septuagénaire Rekia, qui quitte son village kabyle pour prendre le bateau direction Marseille, puis le train pour Paris, afin d’y retrouver son mari, Nour, pour le ramener enfin au pays. De ce voyage, elle ne dit rien à ses enfants, qui en veulent à leur père de les avoir abandonnés. Au bout de son trajet labyrinthique, au cours duquel elle aura croisé la question des migrants, écho contemporain de son vécu, elle finit par retrouver Nour dans un foyer de banlieue.
L’amour dure cinquante ans
Paris la blanche est tissé de subtilité, de non-dits parlants, de grande douceur aussi pour dire les conséquences de long terme qu’inflige aux êtres l’exil contraint : couples séparés, familles rompues, transmission brisée, écartèlement identitaire, déracinement impossible à ré-enraciner quelque part. Une litanie de maux sculptant sur le long terme les vies (et les visages) de ce couple fatigué mais digne, contrebalancés par un amour résilient d’autant plus poignant qu’il s’exprime pudiquement.
Lidia Leber Terki filme cette histoire simple mais riche de sens avec beaucoup d’attention, de patience, de délicatesse, bien épaulée par Tassadit Mandi et Zahir Bouzerar, ses deux comédiens remarquables. “L’amour dure trois ans”, disait Beigbeder. Ici, il dure cinquante ans, envers et contre toutes les entraves de l’histoire, et c’est très poignant.
Paris la blanche de Lidia Leber Terki (Fr., 2017, 1 h 26)
{"type":"Banniere-Basse"}