Le cinéaste autrichien propose une vision cynique de l’exploitation des Africains par le tourisme sexuel.
Il existe indéniablement une école du cinéma autrichien avec Michael Haneke, Markus Schleinzer ou Ulrich Seidl. Caractéristiques principales : le surcadrage clinique, le don pour le malaise, la propension à trifouiller les plaies sociales sans anesthésie. Paradis : amour est un exemple emblématique de cette façon de faire. Ce premier volet d’une trilogie raconte comment les retraitées autrichiennes solitaires partent dans des Clubs Med en Afrique pour se payer du bon sexe local à bas prix. Avec ses plans fixes et ses cadrages entomologiques, Seidl montre frontalement tous les détails de ce veule commerce, chairs enveloppées et avachies des vacancières autrichiennes incluses.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Seidl croise habilement (voire perversement) deux rapports de domination : l’un qui est une continuation de la colonisation sous une autre forme, où les Blancs européens exploitent les Africains ; l’autre qui est un renversement féminin (voire féministe) du tourisme sexuel, où c’est le désir des femmes qui commande les hommes et dirige l’acte sexuel. On pourrait donc voir ce film comme une condamnation du racisme et du colonialisme qui se prolonge à travers l’industrie touristique, assortie d’une ode à la sexualité des femmes vieillissantes. Sauf qu’à force de n’épargner personne, de ne montrer que des Blanches racistes et fières de l’être, ou que des Noirs duplices qui ne pensent qu’à flouer toujours plus leurs clientes, dans un style qui tient à la fois de la loupe malveillante et du scalpel venimeux, Seidl aboutit à une vision totalisante où tous les êtres sans exception sont veules et chosifiés, réduits à la seule alternative exploiteurs/exploités. S’il y a un certain degré de vérité dans cette vision, on ne saurait réduire l’humanité à ce cynisme marchand comme le fait Ulrich Seidl depuis un très désagréable surplomb ricanant.
Paradis : amour d’Ulrich Seidl, avec Margarete Tiesel, Peter Kazungu, Inge Maux. (Aut., All. Fr., 2012, 2 h)
{"type":"Banniere-Basse"}