Un teen-movie hyperstylisé et secrètement hanté signé par la nouvelle héritière du clan Coppola.
Avant de tourner son premier film, Gia Coppola, 27 ans, petite-fille de Francis Ford Coppola et nièce de Sofia, s’est surtout fait connaître dans le milieu de la mode. Elle a été assistante costumière pour les films de sa tante, elle a réalisé des campagnes de pub pour des marques branchées et gagné une réputation de socialite new-yorkaise, écumant les soirées où il faut être.
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Associé au soupçon de népotisme que certains aigris ne manqueront pas de relever, ce background un peu trop glamour risque de valoir quelques procès d’intention à l’aspirante cinéaste. Fille de, et fille de pub, Gia Coppola sera de toute façon condamnée a priori ; on lui reprochera de faire un cinéma trop chic, trop décoratif. On aura raison. Et tort à la fois.
Inspiré d’un recueil de nouvelles de James Franco, qui chronique l’ennui adolescent en banlieue riche, Palo Alto est effectivement un film de surface, un pur objet de séduction où chaque image, chaque détail de direction artistique, semble pensé pour correspondre à une certaine idée du bon goût circa 2014.
Sur les rythmes enivrants de la BO composée par Dev Hynes (Blood Orange), Gia Coppola réinterprète ainsi les passages obligés des teen-movies, dont elle ne garde que l’écorce, des figures de style à partir desquelles elle exerce son talent photogénique. Les premiers émois sexuels, les angoisses, les amitiés déchues, tout ce qui fait les fictions adolescentes est ici revisité dans un livre d’images pop et gracieux, où se lisent en creux la fascination et la tendresse qu’éprouve la cinéaste pour ses sujets.
Mais cet habillage, aussi charmant soit-il, est illusoire, et sous le glacis chic de Palo Alto résonne un autre film, plus habité et ténébreux. C’est que l’adolescence, chez Gia Coppola comme chez Sofia, est un paradoxe, un lieu d’émerveillement et de saccage, où des jeunes filles à la fois extralucides et aveugles se laissent aspirer par des forces obscures (elles ont ici les traits d’un garçon suicidaire, incarné par Jack Kilmer, fils de Val et nouveau River Phoenix en puissance).
A mesure que le film progresse et s’assombrit, glissant du réel à une atmosphère de cauchemar éveillé, il ne reste plus qu’une bouleversante impression de désastre intime, un goût de cendres. En cela, Gia Coppola poursuit avec son premier film, certes fragile mais attachant, une œuvre plus grande qu’elle : celle d’une famille de cinéastes qui, de génération en génération, ont su mieux que quiconque saisir les pulsions morbides de l’adolescence.
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