Quelques motifs de satisfaction mais le sentiment rageant d’un rendez-vous manqué de très peu par cette Palme d’or non decernée à Robin Campillo pour 120 battements par minute.
Obtenir, pour un troisième long métrage, un Grand Prix au Festival de Cannes est évidemment une immense réussite dans le parcours d’un cinéaste.
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Avant 120 battements par minute, aucun des deux premiers films de Robin Campillo n’était passé inaperçu. Le premier, Les Revenants, n’a eu qu’un très faible impact public mais a servi de matrice, près de dix ans après sa sortie, à la fameuse série française du même titre.
Une vraie onde de choc
Le deuxième, Eastern Boys, n’a pas non plus grimpé très haut au box-office, mais son accueil critique et ses multiples nominations aux César ont intensément focalisé l’attention sur le cinéaste (jusque-là surtout reconnu comme scénariste, notamment d’Entre les murs de Laurent Cantet).
Avec 120 battements par minute, presque unanimement acclamé à Cannes, Robin Campillo franchit donc un cap de reconnaissance prodigieux. Mais c’est précisément parce que le film a provoqué une vraie onde de choc que l’on ne saurait se réjouir totalement de cette deuxième marche au sommet du palmarès.
Bouleversant
Le jury présidé par Pedro Almodóvar a raté l’occasion de récompenser un film à la fois historique (dans son sujet) et totalement contemporain (dans sa facture), d’une grande rigueur formelle, didactique au sens le plus salutaire du terme, fondé sur la puissance de la parole, de la pensée et de la rhétorique, et en même temps incroyablement charnel, incarné, vivant, et bien sûr bouleversant.
Dans un contexte international où sont commis des crimes homophobes abominables (les massacres d’homosexuels sciemment coordonnés en Tchétchénie), accorder la Palme à un film qui retrace en mode épique un moment majeur des luttes LGBT aurait été aussi un geste d’une grande puissance d’intervention.
Mauvaise conscience des nantis
Le choix du jury a donc été autre. Et presque indépendamment de ce que l’on pense du film (pas beaucoup de bien), la Palme d’or attribuée à The Square du Suédois Ruben Ostlund nous paraît sans grand enjeu. Le film navigue à la croisée d’une descendance Haneke (en plus bouffon)/ Toni Erdmann (avec une scène extrêmement dilatée de happening simiesque dans un dîner chic, assez réussie et proche dans sa construction et ses effets de malaise slowburn de certaines scènes du Maren Ade).
On voit bien ce qui plaît dans cette façon de touiller dans la mauvaise conscience des nantis en saupoudrant le tout de lourdes épices satiriques, mais on peine à se passionner pour ce cinéma persifleur qui ne ménage aucune zone de grandeur et d’utopie.
Rencontre avec le public
Le reste du palmarès comporte des motifs de satisfaction (un prix hommage du 70e anniversaire bien senti à Nicole Kidman) et des motifs d’agacement (à commencer par l’absence de trois de nos films préférés à part 120 battements par minute : Wonderstruck de Todd Haynes, Good Time des frères Safdie, Le Jour d’après de Hong Sangsoo).
Mais c’est surtout ce sentiment rageant d’un rendez-vous manqué de très peu par cette Palme d’or non décernée à Campillo qui provoque un petit pincement au cœur. Même si, bien sûr, la partie est partiellement gagnée, le film a bénéficié d’une belle exposition et la ferveur de la standing ovation lors de la remise de son prix annonce une rencontre avec le public qui promet d’être frémissante. Le film sort le 23 août et c’est peu dire qu’on va en reparler.
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