Comme leurs héros de 25 watts (2001), premier film autobiographique, Pablo Stoll et Juan Pablo Rebella sont deux ex-slackers uruguayens qui auraient voulu être rock-stars, mais n’ont pas fait grand-chose pour. Tourné en noir et blanc, souvent comparé à Clerks de Kevin Smith (film que le tandem trouve vulgaire), 25 watts est une série discontinue […]
Comme leurs héros de 25 watts (2001), premier film autobiographique, Pablo Stoll et Juan Pablo Rebella sont deux ex-slackers uruguayens qui auraient voulu être rock-stars, mais n’ont pas fait grand-chose pour. Tourné en noir et blanc, souvent comparé à Clerks de Kevin Smith (film que le tandem trouve vulgaire), 25 watts est une série discontinue de vignettes minimalistes sur les non-activités de trois post-ados de Montevideo vivant chez leurs parents, examinées avec un regard distant et ironique. Aujourd’hui, à 30 ans pile (tous les deux), Stoll et Rebella font un grand saut temporel avec Whisky, en passant directement à la génération de leurs parents, pour narrer les relations mitigées d’un patron et de son employée d’âge mûr.
AVANT LE CINÉMA
Juan Pablo Rebella Nous avons grandi dans un endroit où la neige, les tremblements de terre et le cinéma n’existent pas. Quand nous avions 20 ans, il n’y avait encore jamais eu de film uruguayen (c’est évidemment inexact ndlr). Nous nous sommes connus à l’université où nous étudiions la communication, le journalisme et la publicité.
Pablo Stoll A 18 ans, je voulais faire quelque chose dans la fiction, le cinéma. J’ai écrit des scénarios de BD mais je ne savais pas dessiner. J’ai commencé à suivre des cours dans une petite école de vidéo. L’année suivante, je suis entré à l’université où j’ai rencontré Juan, grâce à une cassette des Pixies.
DEUX SLACKERS
Juan Pablo Rebella Après le lycée, je suis entré à l’université, en pensant ensuite travailler dans la pub. Mais à ce moment-là, la seule chose qui m’intéressait, c’était le rock’n’roll. J’ai commencé à jouer de la guitare. J’aimais la BD et les dessins animés comme Les Simpson mais je ne connaissais rien au cinéma. J’allais voir des films comme Police Academy… Puis un ami, qui est aujourd’hui notre coscénariste, m’a invité à venir voir un film où jouait Tom Waits, dont j’étais fan.
C’était Down by Law de Jarmusch. Je suis sorti du cinéma complètement scotché. Pas seulement par Tom Waits, mais par l’atmosphère, l’humour, la mélancolie.
Petit à petit, Pablo et moi avons commencé à écrire des dialogues pour en faire des BD ou des films. Un de ces dialogues est devenu notre premier long métrage, 25 watts. Nous ne sommes pas issus d’une famille riche, mais nous n’étions pas mariés et n’étions pas obligés de travailler. Nous passions beaucoup de temps à regarder la télé et à écouter du rock en buvant de la bière. Un jour, Pablo m’a dit : « Hé ! pourquoi on n’écrirait pas un scénario sur trois mecs pathétiques qui au lieu de passer le samedi soir avec des filles regardent la télé, boivent de la bière et discutent de n’importe quoi ? »
LA FABRIQUE DE CHAUSSETTES
Pablo Stoll Fernando Epstein, notre producteur, qui faisait partie de notre bande d’amis à l’université, a travaillé dans une fabrique de chaussettes très semblable à celle du film appartenant à sa famille. Nous étions toujours étonnés par ces machines étranges qui font des chaussettes, et par leur processus compliqué.
Juan Pablo Rebella Il y a longtemps, avant de tourner 25 watts, nous avions visité ce lieu et imaginé d’y situer une histoire d’amour. Nous pensions aussi déjà à l’idée d’un faux mariage, mais nous voulions garder cette idée pour plus tard. Ensuite, quand nous montions 25 watts, nous avons repensé à l’usine de chaussettes. Et puis, Gonzalo Delgado Galiana, un de nos amis qui était le décorateur de 25 watts, mais qui n’aimait pas le film, nous a dit : « Arrêtez de faire des films débiles ! Pourquoi ne tournez-vous pas l’histoire des deux frères avec les chaussettes ? » On lui a dit : « OK, mais seulement si tu écris le scénario avec nous. » Nous n’avions pas envie de faire un film sur des gens d’un certain âge, ni sur des Juifs, ni sur la crise uruguayenne. Ça s’est trouvé comme ça. En général, les patrons d’usine sont âgés, et tous les industriels du textile en Uruguay sont juifs. Dans un sens, c’est un film sur nos craintes, sur ce qui pourrait nous arriver dans trente ans. Nous voulions aussi jouer sur le sentiment d’inconfort, sur l’absurdité du quotidien…
Recueilli par Serge Kaganski et Vincent Ostria