La quête amoureuse d’un dépressif attachant. Happiness Therapy en mieux.
Sortant de l’hôpital psychiatrique, François, quadra dépressif, tente de reprendre le cours de son existence, mais surtout de reconquérir sa femme, Anna, qui a rompu avec lui après ses dernières frasques. Coécrit par Sophie Fillières, le film en garde certaines séquelles zinzin (y compris le titre, “fou” en verlan). Mais cette “dramédie” (le genre s’acclimaterait-il enfin en France ?) a une singularité plus mélancolique, plus étale. Elle est pourtant tout sauf linéaire. Au lieu d’une oeuvre dramatisée selon les canons habituels du théâtre, le film se déploie plutôt sur un mode concentrique.
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La figure circulaire se retrouve dans certains des décors du film (ceux de la superbe ville de Lille, peu utilisée au cinéma), y compris dans la scène finale, déconcertante, mais aussi audacieuse, qui fait décrire également une sorte de cercle (ou de point d’interrogation), aussi réel que virtuel, aux héros à travers la campagne.
Cette circumnavigation de François a pour objet, toujours et encore, la belle mais impétueuse Anna, incarnée par une Sophie Quinton à son top de naturel. François navigue dans la ville parmi ses proches et amis dans le but sans cesse différé de se réconcilier avec Anna. Ce qui, en passant, rappelle un des autres films du moment traitant la dépression (ou la bipolarité, maladie à la mode), Happiness Therapy, dont le héros a exactement le même profil au début du film. Sauf qu’il est nettement plus punchy que son équivalent français, cousin de Droopy. De plus, dans Ouf, la reconquête de la femme aimée n’est pas un MacGuffin de comédie romantique. C’est son véritable objet. D’où le caractère profondément mélancolique de cette aventure borderline caractérisée par la profonde liberté du personnage – au diapason de celle du scénario –, dont la pathologie, outre l’irresponsabilité de vieil enfant qu’elle suppose (voir ses rapports avec ses parents qui l’infantilisent), est en réalité un espace de tous les possibles.
Perdu, désespéré, mais aussi nonchalant à sa manière, François révèle, par sa présence et sa désinvolture sociale, les êtres qu’il côtoie à eux-mêmes. Ainsi, il peut, par hasard, ressouder un couple qu’un mari jaloux est en train de détruire par sa parano, ou bien faire apparaître que l’état psychique d’une amie italienne le visitant en HP est plus préoccupant que le sien. Cette sorte de héros christique au petit pied, de beatnik potentiel, et donc de figure hautement romantique, prend tout son sel parce qu’elle est incarnée par Éric Elmosnino, comédien gouailleur, presque titi parigot, trop souvent réduit à des personnages grande gueule. Il surprend réellement en pur aquoiboniste, languide et désillusionné, féru d’autodérision. Par son ton, sa pudeur et son humour à froid délicatement inséré dans une trame mélancolique, Ouf s’avère donc une proposition séduisante et précieuse ; une rareté dans un paysage cinématographique français où le romantisme est presque lettre morte, sinon persona non grata.
Vincent Ostria
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