Un thriller psy subtilement anxiogène. Immersion dans l’inconscient d’une plongeuse de haut niveau en proie à un père dominateur et inquiétant.
Parmi les raisons qui font de ce premier film une bonne surprise, figure sa volonté d’emmener une actrice là où on ne l’attend pas : la très bankable Cécile de France, qu’on est d’abord surpris de découvrir dans une production aussi légère. Le titre en forme de devinette morbide introduit presque une ombre dans la filmographie de l’actrice, qui semblait jusqu’à présent choisir ses rôles en fonction de leur capacité à être associés à des adjectifs tels que “malicieux”, “charmant”, et autres mutineries du genre. Elle incarne ici, à rebrousse-poil de ces partitions souriantes, et avec une belle fébrilité inquiète, un personnage plutôt sombre pris au piège de sa psyché. Mais d’abord d’un père tyrannique, dont il faudra se détacher au risque de se perdre soi-même. Où est la main de l’homme sans tête est un film sur les névroses familiales, axé sur la mutation des rapports entre un père et sa fille : comment Eva, plongeuse professionnelle victime d’un coma suite à une mauvaise chute, tente peu à peu d’échapper à une figure paternelle autoritaire qui rêve de la réussite de sa fille ; comment ce désir d’insoumission aux projections enfermantes de toute une vie, et parfaitement cernées par le récit, provoque en elle un déluge de peurs, de phobies. La plus grande concerne la disparition d’un frère, et la certitude pour l’héroïne que son père en est l’assassin.
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Le récit prend le parti d’une réalité qui se dérobe au profit d’un inconscient dévorant. C’est là une autre belle tendance du film, dont la marche psychanalytique (la conversion des blessures infantiles en prolifération de récits mentaux, l’absence progressive d’étanchéité entre réel et imaginaire) est l’occasion de relancer une association fameuse du cinéma : le féminin et la paranoïa.
Au-delà des dissonances lynchéennes (le personnage du “persécuteur” en mode étrangement hébété), c’est dans un registre plus spécifique aux films de Polanski que s’établit la “folie” de l’héroïne : du côté de l’arrachement d’un statut de jeune fille, vers celui de mère (Rosemary’s Baby), de femme (Répulsion). Porté par une mise en scène faite de glissements de sens, d’ellipses subtiles, le couple thématique entretient crescendo l’inquiétude du récit, bouchant toutes les arrivées d’air, jusqu’à la suffocante fin.
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