Le bilan est contrasté pour une 91e cérémonie qui a cependant fait le ménage devant sa porte et ouvert un boulevard au progressisme hollywoodien.
Les attentes étaient plus faibles que jamais pour cette cérémonie : climat de fin de règne (audiences faiblissantes, controverse humiliante sur les menaces d’empiètement des coupures pub), ambiance délétère (notamment depuis le désistement d’un Kevin Hart que l’Académie a choisi de ne pas remplacer) et surtout nominés plus que discutables, célébrant le pire de 2018 (Bohemian Rhapsody, La Favorite, BlacKkKlansman) à de trop rares exceptions (Green Book, First Man).
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Enfilages de perles
Le pire est finalement évité, bien qu’il se dégage tout de même un parfum historiquement décevant de cette nuit si polie, où le concours d’enfilage de perles s’avéra sacrément disputé entre remettants (« le montage est une étape fondamentale dans un film… », Michael Keaton) et récipiendaires (« ma grand-mère m’a toujours dit que si je ne réussissais pas tout de suite, je devais continuer d’essayer pour poursuivre mon rêve« , Mahershala Ali). Il ne fallait pas compter sur les intermèdes comiques pour pimenter le potage : on les a comptés sur les doigts d’une main, et aucun ne s’est permis une once de folie. Les musicaux n’ont pas fait bien mieux, à moins de céder à la complainte pop réussie mais attendue de Bradley Cooper et Lady Gaga (Shallow).
Symboles forts
Les platitudes de la forme ne masqueront certes pas les mouvements du fond, et l’importance des symboles : le moins qu’on puisse dire est que cette 91e cérémonie marque le raccrochage du wagon oscars au train du monde. C’est une soirée historique pour la diversité. Les victoires noires ont été nombreuses : Black Panther, Si Beale Street pouvait parler, BlacKkKlansman. Certaines catégories techniques ont vu leur premier vainqueur de couleur, ce que n’a pas manqué de souligner justement la commentatrice ABC. Les remettants sont autant concernés : presque tous les tandems étaient au moins cosmopolites. On a entendu de l’espagnol sur scène, avec ou sans sous-titres, et Alfonso Cuaron, survolant sa nuit de triple gagnant (film étranger, photographie et réalisation), a malicieusement rappelé que Le Parrain, pour lui, c’était un film étranger.
Adieu au monde ancien : c’est une question de couleurs, de langues, mais aussi une question d’industrie, lorsque Spider-Man : New Generation (acclamé dès l’annonce des nommés) détrône un Disney trustant le meilleur film d’animation depuis des temps immémoriaux (genre 2013), ou que Netflix affiche en pied de nez à Hollywood un carton pour Roma (que tous les studios avaient rejeté, rappelons-le) agrémenté d’un bonus court métrage.
Si cinéphilement, le résultat ne peut jamais excéder le niveau d’un damage control étant donné la cata des nominations, il faut bien reconnaître qu’il évite l’aggravation. En exceptant les acteurs (faveur aux prestations criardes et fardées de Rami Malek en Freddie Mercury et Olivia Colman en reine d’Angleterre), l’Académie a eu l’élégance d’honorer les rares candidats vraiment pertinents ici et là, de l’évidence pop de Shallow (meilleure chanson, ce qui fera office de lot de consolation pour une Lady Gaga privée d’oscar de la meilleure actrice) à la grâce SFX de First Man (qui coiffe au poteau les tartineurs de Marvel et Star Wars).
Green Book champion
Le plus important d’entre eux est aussi le roi de la soirée : l’éclatant Green Book s’en va avec trois statuettes dont celle du meilleur film. Outre celle de notre favori maison, c’est aussi d’une certaine manière celle du meilleur candidat à triompher sur cette nuit éprise de politesse et de respect de l’autre : un héritier en droite ligne des mélos moraux et humanistes de Frank Capra, cinéaste plus actuel que jamais qui fut d’ailleurs cité par une remettante (Brie Larson, au détour d’une banalité sur l’art du scénario, mais peu importe).
Dire qu’on ne boude pas notre plaisir serait donc un abus de langage. Mais l’on peut avouer qu’on ne boudera donc pas, et qu’on est même un peu fasciné par l’espèce d’atterrissage contrôlé d’une planète Hollywood qui apparait, après le show, légèrement différente, un peu moins en perte de repères. Le pire est évité, c’est bien d’accord. Mais comment s’en satisfaire ?
Meilleure actrice dans un second rôle : Regina King pour Si Beale Street pouvait parler
Meilleur long-métrage documentaire : Free Solo de Elizabeth Chai Vasarhelyi et Jimmy Chin
Meilleur maquillage : Grec Cannom, Kate Biscoe et Patricia Dehaney pour Vice
Meilleur costume : Ruth Carter pour Black Panther
Meilleurs décors : Hannah Beachler et Jay Hart pour Black Panther
Meilleure photographie : Alfonso Cuaron pour Roma
Meilleure chanson originale :
Meilleur montage son : John Warhurst et Nina Hartsone pour Bohemian Rhapsody
Meilleur mixage son : Paul Massey, Tim Cavagin et John Casali pour Bohemian Rhapsody
Meilleur film étranger : Roma d’Alfonso Cuaron
Meilleur montage : John Ottman pour Bohemian Rhapsody
Meilleur acteur dans un second rôle : Mahershala Ali pour Green Book
Meilleur long-métrage d’animation : Spider-Man : New Generation de Peter Ramsey, Bob Persichetti et Rodney Rothman
Meilleur court-métrage d’animation : Bao de Domee Shi et Becky Neiman-Cobb (Pixar)
Meilleur court-métrage documentaire : Period de Rayka Zehtabchi et Melissa Berton
Meilleurs effets visuels : Paul Lambert, Ian Hunter, Tristan Myles et J.D. Schwam pour First Man
Meilleur court-métrage live : Skin de Guy Nattiv et Jaime Ray Newman
Meilleur scénario original : Nick Vallelonga, Brian Currie et Petter Farrelly pour Green Book
Meilleur scénario adapté : Charlie Wachtel, David Rabinowitz, Ron Stallworth et Spike Lee pour BlacKkKlansman
Meilleure musique originale : Ludwig Goransson pour Black Panther
Meilleure chanson originale : Shallow de Mark Ronson, Andrew Wyatt, Anthony Rossonando et Lady Gaga pour A Star Is Born
Meilleur acteur : Rami Malek pour Bohemian Rhapsody
Meilleure actrice : Olivia Colman pour La Favorite
Meilleure réalisation : Alfonso Cuaron pour Roma
Meilleur film : Green Book
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