Objet de fascination sans précédent, Orange mécanique ne cesse, depuis 1971, d’alimenter les fantasmes du rock.
On a souvent reproché à Kubrick d’avoir, pour le mythique personnage d’Alex, pillé l’air du temps en général et celui du rock en particulier : comment ne pas voir dans ce dandy dépravé un cousin de Bowie, d’Eno ou d’Iggy Pop mâtiné de leurs exacts négatifs, les skinheads ? David Bowie devait bien ça à Kubrick, lui qui avait pillé 2001 l’odyssée de l’espace pour son propre Space oddity.
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Le rock, œil pour œil, dent pour dent, ne s’est ensuite pas gêné pour se servir dans ce film forcément culte puisque interdit en Angleterre , quelques scènes étant même depuis régulièrement pastichées dans des clips ou photos de pochette : il suffit de regarder The Universal, le dernier clip de Blur, où l’on voit les quatre gandins se prélasser dans un lieu ressemblant de façon trouble au Korova Milk Bar du film. Un bar qui donna d’ailleurs son nom à un label Korova, maison mère d’Echo & The Bunnymen et à deux groupes : les récents Moloko ou les affreux Korova Milk Bar.
L’image d’Alex combinaison blanche et chapeau melon fera, elle aussi, beaucoup fantasmer l’Angleterre pop : des Stranglers à Madness, on repérera ici et là quelques emprunts douteux à la garde-robe d’Alex, un groupe comme les Addicts en faisant même son uniforme officiel. Les gangs troubles du film auront eux aussi inspiré le rock : ainsi la bande de Billy Boy fournira son exacte image aux vilains Zodiac Mindwarp, tandis que deux groupes les Droogs et les Droogies piqueront directement leur nom aux chouettes copains d’Alex.
Autre scène fameusement pillée : la descente dans le magasin de disques. Au mur apparaît, brièvement, le Top 30. Image furtive mais suffisamment imposante pour qu’une génération entière se serve au passage : ainsi seront nommés entre autres The Sparks, Heaven 17 ou The Legend. Et ainsi va Orange mécanique, uvre suffisamment dense et troublante pour fournir indices, pistes et émois au rock, poussant même le vice jusqu’à transformer l’inoffensif Singing in the rain de Gene Kelly en effroyable hymne skinhead et à faire sonner Beethoven comme du Blue Oyster Cult. A part Pulp fiction déjà sanctifié par le rap et le rock , peu de films auront à ce point marqué l’imaginaire de musiciens en devenir. En France, on ne connaît que Les Tontons flingueurs pour avoir à ce point marqué les esprits rock.
JD Beauvallet
Orange mécanique de Stanley Kubrick, avec Malcolm McDowell, Patrick Magee (Warner Home Vidéo).
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