Kubrick voulait tourner « un film choc sur la violence ». A l’arrivée, il livre une fable pessismiste sur les limites du pouvoir et de la liberté. Historique et histrionique.
En pleine paranoïa sécuritaire sarkozienne, on reverra utilement Orange mécanique, qui commence par « une bonne petite fête d’ultra-violence » où, sur fond de Neuvième Symphonie de Beethoven, Alex (Malcolm McDowell) et ses amis enchaînent joyeusement meurtres et viols. Mais Alex est arrêté, incarcéré, puis « soigné », avant d’être libéré, et devine-t-on, recommencer.
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Kubrick symbolise ici l’évolution de l’être humain, passé de l’état naturel à la civilisation, puis à la névrose, et enfin à la rupture avec la civilisation. Certains y ont vu de la misanthropie. A tout le moins, Kubrick renvoie-t-il dos à dos flics et voyous, ordre et liberté, Etat providence et Etat répressif.
Ce constat extralucide, Kubrick en fait un opéra expressionniste, voire baroque, enrichi par son perfectionnisme légendaire, du décor pop à l’utilisation jamais pléonastique de la bande originale, de la langue vernaculaire d’Alex (le fameux « in-out » pour évoquer le viol) au trouvailles de montage. A cet égard, il faudra enregistrer le film, et se repasser plan par plan la scène de l’agression avec le phallus géant pour découvrir que Kubrick a glissé des images subliminales de dessin animé pour signifier le comble de la panique.
Quant à l’écarteur de paupière de la thérapie d’Alex, c’est sans doute ce qui fait le plus froid dans le dos trente ans après : aujourd’hui, nous n’avons plus besoin de ce genre d’instruments de torture pour avaler tout et n’importe quoi.
Olivier Nicklaus
Orange mécanique de Stanley Kubrick, avec Malcolm McDowell, Patrick Magee, Warren Clarke (1971, G-B, 130 mn)
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