À l’occasion de la sortie en version française de son livre “Cinéma spéculations”, la rockstar du cinéma américain Quentin Tarantino s’est lancée dans une tournée mondiale pour parler de son livre… et offrir au public parisien une exclusivité sur son prochain et dernier film.
Le rendez-vous était fixé au mercredi 29 mars au Grand Rex, avec quelques indications étonnantes : venir plus d’une heure à l’avance, téléphones interdits pendant la séance, aucuns sous-titres. Cela ne fait plus aucun doute, on s’apprête à rencontrer le messie du cinéma. Avec une gestion fluide des foules, l’on se retrouve bel et bien une heure à l’avance… assis et prêt pour la masterclass, le smartphone rangé dans une pochette verrouillée.
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Le public est disparate, du groupe d’ami·es trentenaires à la fratrie adolescente accompagnée du père cinéphile, mais toutes et tous sont enthousiastes à l’idée d’écouter l’inventeur d’images parmi les plus iconiques du cinéma contemporain. Durant un léger quart d’heure de retard, on entend discuter de cinéma, mais aussi des règles imposées : “Je pense qu’on nous a interdit le téléphone surtout pour qu’on ait les yeux rivés sur lui.”
20 h 15 : Thierry Frémaux accueille Quentin Tarantino
Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes, arrive le premier sur scène et introduit la séance, expliquant qu’à quinze jours de la présentation de la sélection, malgré le rush final, il ne pouvait rater l’animation de cette masterclass avec un cinéphile que le festival a toujours accompagné. Quentin Tarantino, 60 ans et deux jours au compteur, arrive sur scène index et majeurs en l’air, pour saluer un public en immédiate standing ovation, déjà en train de lui chanter un joyeux anniversaire.
C’est parti pour une heure de discussion, ou plutôt de monologue guidé par les pertinentes relances de Frémaux, brassant tous les sujets abordés dans son livre (l’âge et la manière de voir des films au début des années 1970, les débats sur l’historicité du Nouvel Hollywood, s’il commence en 1967 ou en 1970, ce que tout cela veut dire), sans compter quelques analyses plus poussées sur Délivrance de John Boorman ou sa rencontre avec Brian de Palma.
Une heure avec Quentin (+ bonus)
Au cours de sa date parisienne, le réalisateur de Pulp Fiction n’a presque pas parlé de ses films, pour revenir sur les spéculations de son livre. Et il a bien insisté sur le mot spéculations, expliquant par exemple qu’il en avait rien à faire (en un peu plus vulgaire dans sa langue natale) de savoir ce qui avait traversé la tête de de Palma au moment de faire un film. Spéculer, s’éloigner peut-être du réel, on est bien dans la tête du réalisateur d’Inglourious Basterds ou de Once Upon a Time… in Hollywood.
Ce rendez-vous sonnait comme le sommet de l’art à la Tarantino, d’un Tarantino qui soigne méticuleusement sa fin de carrière et s’intéresse de plus en plus à l’écriture de sa cinéphilie plutôt que sa mise en scène à l’écran. Au passage, les fans parisien·nes auront été les premier·ères à entendre des informations officielles quant à son dixième et dernier film : le scénario est bel et bien fini, le film s’intitulera The Movie Critic et se passera en 1977. En revanche, le personnage principal ne sera pas la critique de cinéma Pauline Kael comme précédemment spéculé dans la presse spécialisée, ni une femme. Si le tournage devrait démarrer plus tard dans l’année, à en croire Thierry Frémaux, le film régalera la Croisette… en 2025 !
Verdict
À la fin de la conférence, après un énième et ronflant chant d’amour à la pellicule (Tarantino préfère voir un film en mauvaise qualité sur pellicule plutôt qu’en parfaite qualité en numérique, le matérialisme poussé à son paroxysme), Frémaux a surpris le réalisateur en lui demandant comment il comptait éduquer ses enfants au cinéma. Ce dernier a répondu de manière touchante qu’il imaginait que le premier film que ses enfants verraient de lui serait sans doute Kill Bill, sûrement à 9 ans.
Après quelques minutes de pause, l’auteur est revenu sur scène pour lire quelques extraits de son livre, dans une salle qui avait déjà commencé à se vider. Au final, celles et ceux qui avaient déjà lu Cinema speculations ne rappelleront pas de cette conférence comme celle du renouveau chez Tarantino, mais peut-être plus comme le bonus ultime cinéphilique, le supplément rare et précieux d’avoir écouté l’un des réalisateurs les plus adorés de la planète parler à bâtons rompus des films qui l’ont construits.
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