Juliette Binoche en pleine cérémonie des César répond à Jamel Debbouze et défend le film “Avec amour et acharnement” de Claire Denis.
“Désormais on se lève et on se barre” : telle était la formule manifeste par laquelle Virginie Despentes décrivait la colère d’Adèle Haenel et Céline Sciamma quittant la cérémonie des César après le cinquième sacre comme meilleur réalisateur de Roman Polanski.
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Toutes proportions gardées, sur des enjeux moins violents et dans une forme plus accorte, Juliette Binoche a inventé cette année une déclinaison à la formule de Virginie Despentes : désormais, quand on n’est pas d’accord avec ce qui se joue sur scène, on se lève et on répond.
À Jamel Debbouze qui laissait entendre pour rire qu’Avec amour et acharnement de Claire Denis serait plus bankable avec des ninjas et des effets spéciaux, Juliette Binoche a rétorqué qu’elle n’était pas d’accord, que “nous aussi on fait des entrées et qu’il n’avait pas vu le film”. Et d’expliquer le lendemain sur son compte Instagram qu’elle n’entendait pas “laisser dénigrer le cinéma d’auteur et ceux qui prennent le risque de le faire”.
Détourner l’attention
Bien sûr, les organisateurs de la soirée auront beau jeu de répondre que le sketch de Jamel ne dénigrait pas vraiment le film de Claire Denis. Que le recours aux ninjas pour booster le supposé ennui inhérent à l’intimisme torturé d’Avec amour et acharnement est lui-même tourné en ridicule. Mais tout de même.
Cette vanne participait d’un contexte général où la puissance invitante (Canal+) multipliait les signes de la plus grande méfiance envers la puissance invitée (la part césarisable – donc un peu intello, un peu artiste, pas très prime time – du cinéma français). Pendant trois heures, tout semblait avoir été pensé pour minorer le temps d’antenne des représentant·es du cinéma au profit des agent·es du show télé. Comme si tout ça, la remise des prix, les discours de remerciements, faute de pouvoir totalement s’en passer, il fallait absolument en détourner l’attention.
D’où cette inégalité de temps de parole jamais autant marquée entre maîtres·ses de cérémonie et lauréat·es (dix minutes longuettes pour le speech inaugural de Jamel mais une minute douche comprise pour les remerciements, avec alarme musicale au moindre débord et surgissement sur scène d’un membre du personnel invitant, d’un geste du bras appuyé, l’impétrant·e à dégager au plus vite).
D’où ces vannes hyper grossières sur le César du meilleur court métrage documentaire (Emmanuelle Devos et Raphael Personnaz ironisant sur le supposé faible enjeu du César qu’ils avaient accepté de remettre : “Et voici le moment que tout le monde attend, le clou du spectacle…”).
Comme si l’objet même de la soirée, distinguer la part la plus créative du cinéma français et honorer la profession du cinéma, était un peu un boulet pour celles et ceux qui avaient pour charge de l’organiser.
Alors oui, il était bienvenu qu’une invitée se lève et réponde, pour intimer plaisamment à son hôte de se faire un peu plus hospitalier.
Édito initialement paru dans la newsletter Cinéma du 1er mars. Pour vous abonner gratuitement aux newsletters des Inrocks, c’est ici !
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