À une semaine de la sortie de « Rogue One : A Star Wars Story », premier film dérivé de la saga créée par George Lucas, on a rencontré son réalisateur Gareth Edwards. En dix ans, celui qui se décrit comme un fan invétéré de la saga est passé du cinéma indépendant aux commandes du blockbuster le plus attendu de la galaxie.
Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine… La République et les jedi ne sont plus qu’un lointain souvenir. L’Empire fait régner l’ordre et la terreur sur la galaxie à l’aide de son bras armé Dark Vador, d’une imposante flotte de vaisseaux et de légions de stormtroopers sans pitié. Ces forces de l’ombre font face à une farouche Alliance rebelle, courageux groupement d’individus qui se dressent face à la toute-puissance de leur régime despotique, et sont prêts à se sacrifier au nom de la liberté.
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C’est dans ce contexte que prend place Rogue One: A Star Wars Story (sortie le 14 décembre), premier spin off (film centré sur des personnages dérivés s’écartant de la trame principale) de la saga façon Disney, qui s’insère entre ses épisodes III (La Revanche des siths) et IV (Un nouvel espoir).
Le film narre la mission périlleuse d’un commando de rebelles pour voler les plans de l’Étoile noire, une terrifiante arme de destruction massive capable de désintégrer des planètes entières. La farouche Jyn Erso (Felicity Jones), une jeune femme au passé trouble dont le père (Mads Mikkelsen) est lié contre son gré à la construction de la sinistre station orbitale, prendra le commandement d’une bande de têtes brûlées pour affronter les troupes impériales menées par le Directeur Orson Krennic. L’occasion de quitter les ornières canoniques de la série et le destin des Skywalkers pour explorer de nouvelles possibilités narratives et formelles au sein l’univers créé par George Lucas.
Écrit par Chris Weitz, Rogue One : A Star Wars Story est réalisé par le britannique Gareth Edward, artisan surdoué remarqué en 2010 avec le film de science-fiction indépendant Monsters, puis la dernière version en date de Godzilla en 2014. Sa capacité à allier un style nerveux et réaliste à l’ampleur opératique de la science-fiction a tapé dans l’œil des exécutifs de Disney, qui lui ont confié la tâche à la fois excitante et risquée de donner vie à ce premier spin off. Épaulé à l’image par le chef opérateur Greg Fraser (Zero Dark Thirty, Foxcatcher) et à la musique par le stakhanoviste Michael Giacchino (Star Trek), le cinéaste anglais se décrit avant tout comme un fan invétéré de la saga.
Malgré les attentes et la pression colossale qui pèsent sur ses épaules, c’est un type aux trais fatigués, mais sympathique et volontier blagueur, que nous avons rencontré. Un grand enfant barbu de 42 ans qui n’en revient pas encore tout à fait d’avoir donné vie au film le plus attendu de la galaxie.
Quels sont vos premiers souvenirs liés à l’univers de Star Wars ?
J’ai grandi dans les années 80, et j’ai bien sûr découvert les films de l’ancienne trilogie en salle. Comme beaucoup d’enfants de mon âge, j’avais plein de jouets Star Wars. Je me souviens plus particulièrement d’une maquette de X-Wing, ce vaisseau emblématique de la saga, que j’ai un jour jeté par la fenêtre pour voir si elle volait réellement…
Une scène cristallise particulièrement ces émotions enfantines: celle où Luke Skywalker sort de la maison de son oncle et de sa tante, se tient au bord du cratère, et regarde les deux couchers de soleil de Tatooine. À ce moment-là, toute sa vie s’apprête à basculer, et quelque part on a l’impression qu’il rêve son futur comme un passage de l’autre côté de l’arc-en-ciel. Lorsque le thème de John Williams s’élève, j’en ai les larmes aux yeux.
Enfant, vous rêviez d’être Luke Skywalker ?
Oui. Ce n’est pas très original, mais je trouve que c’est vraiment un personnage dans lequel chacun peut se projeter, avec des traits universels. En plus, ma sœur ressemblait un peu à la princesse Leia, ce qui facilitait les choses ! Je n’ai jamais trop aimé Han Solo par contre, sûrement parce qu’il était trop cool pour moi, ou peux être parce que je suis roux et que je ne ressemble pas vraiment à Harrison Ford…
Et aujourd’hui, quel est votre personnage favori ?
Aujourd’hui, je dirais plutôt George Lucas, qui est devenu un personnage à part entière du monde imaginaire qu’il a créé. Il a inspiré toute ma génération avec Star Wars, et a également poussé extrêmement loin la technologie et les effets visuels. Il nous a donné des outils inédits pour faire des films et matérialiser nos rêves. Plus besoin de faire la queue à Hollywood, on pouvait s’emparer nous-même de la création, en bricolant des effets spéciaux sur ordinateur ! Il nous a rendu visite sur le tournage de Rogue One, et a adoubé le film fini, alors je crois que je peux mourir heureux.
Comment avez-vous réagi en apprenant que vous alliez réaliser un Star Wars ?
Ma première conversation avec les gens de chez Lucas films remontait à décembre 2013 mais, par superstition ou humilité, je ne voulais pas en parler à ma famille ou à mes amis avant que le deal ne soit officiel. J’ai donc – difficilement – gardé le secret pendant six mois, jusqu’à ce coup de fil de mai 2014 m’informant que le contrat était signé, et que l’information allait être transmise à la presse dans les dix minutes. Je n’arrivais pas à y croire, j’ai immédiatement appelé ma mère via Facetime, et j’en ai profité pour faire une capture d’écran de sa réaction, assez hilarante !
Rogue One c’est plutôt un Star Wars ou un film de Gareth Edwards ?
Un peu des deux, mais peut être que Gareth Edwards a plus de Star Wars en lui qu’il ne veut se l’avouer. Quand vous vous emparez de l’imaginaire de Star Wars en tant que réalisateur, vous êtes tiraillé entre deux choses : d’un côté, vous voulez inclure dans votre films tous les éléments cool et cultes de la saga originale, et de l’autre, vous voulez en créer de nouveaux qui portent un peu plus votre patte.
Par exemple, on a essayé dans notre film de créer un nouveau vaisseau spatial, plus proche des hélicoptères qu’on peut voir dans Apocalypse Now que du simple chasseur de combat. On a donc inventé le U-Wing, qui nous a demandé près de neuf mois de travail, en reprenant le même vocabulaire visuel que ses illustres collègues tout en innovant. Il en a été de même pour les autres véhicules, les armes, les costumes et les décors. C’est étrange parce qu’on ne peut pas décrire la « charte visuelle Star Wars », mais comme on a grandi avec la saga, on en a appris les codes, un peu comme une langue maternelle, et on sait intuitivement si nos nouvelles inventions les respectent ou pas. On entre en résonance avec cet univers de manière instinctive, on réfléchit avec nos tripes.
Quelle était votre marge de manœuvre dans cet univers si codifié ?
Ce qui se passe avec ces nouveaux Star Wars est très excitant : différents réalisateurs s’emparent du mythe en y apportant chacun un point de vue particulier et une voix singulière. Concernant les spin off, on s’est demandés comment on pouvait les différencier des autres films. Les producteurs nous ont donné un « permis d’être différent », d’amener notre patte.
Et c’est quoi la patte Gareth Edwards ?
J’adore les Star Wars, mais quand on les regarde aujourd’hui ils sont parfois un peu datés au niveau de la mise en scène. On a essayé de faire honneur aux codes de la saga tout en les modernisant, notamment en y apportant une touche réaliste. L’idée était de faire sentir au spectateur que les environnements, les personnages, étaient vrais. On a par exemple fait construire des décors à 360°, dans lesquels les acteurs pouvaient parler et se déplacer comme ils le voulaient. Au niveau de la caméra, on devait pouvoir les suivre à tout moment, c’est pourquoi tous les membres de l’équipe technique étaient également en costumes, avec de la saleté, de la poussière et de la sueur.
En fait c’était un tournage très rock’n’roll pour un blockbuster. Le rogue (rebelle), c’est vous…
C’est possible ! Par exemple, j’ai cadré à l’épaule de nombreuse scènes du film, en courant partout au milieu des comédiens, des décors et des explosions. Je me suis détruit le dos, mais curieusement, à chaque fois que j’entendais « Moteur, action ! », toute la douleur s’envolait. Pour les scènes de vaisseaux spatiaux, plutôt que de travailler avec ces habituels fonds verts, on a construit des cockpits entourés d’un gigantesque écran circulaire sur lequel on projetait des images de ciel, d’espace ou d’autres vaisseaux. L’acteur qui jouait le pilote avait réellement l’impression d’être en train de voler, et pouvait réagir aux événements extérieurs.
Avec toutes ces astuces, on ne savait jamais vraiment ce qu’on allait découvrir sur les prises. L’idée était d’être ouvert à la surprise et à l’imprévu, de réagir spontanément aux événements plutôt que de se laisser dicter la marche à suivre par le scénario. C’était à la fois dangereux et libre, parfois un peu hors de contrôle. On avait presque l’impression de se rendre dans une zone de guerre quand on mettait les pieds sur le plateau !
Vous avez préféré filmer les batailles spatiales, ou le visage de vos personnages ?
Les deux registres sont extrêmement importants, de même que l’équilibre ente eux. Quand on arrive à capturer une émotion qui semble sortir d’avantage d’un film indépendant et intimiste que d’un blockbuster hollywoodien, ça devient très excitant.
Même dans les scènes de combat, on s’est toujours efforcé de créer un contexte d’authenticité pour chaque performance. On a parfois fait des prises de vingt minutes, dans lesquelles on rejouait les scènes en boucle sans les interrompre, pour pousser les acteurs dans leurs retranchements physiques et émotionnels.
Le film sort dans une semaine. Vous allez quitter un univers dans lequel vous avez passé presque trois ans de votre vie. Comment vous sentez-vous, maintenant que vous avez enfin fait voler votre X-Wing ?
Avec Diego Luna, qui interprète le rebelle Cassian Andor dans le film, on a acheté des tickets pour aller voir le film en salles avec un vrai public, sentir l’atmosphère ; puis on va faire une énorme fête avec nos amis… et après je vais aller dormir, pendant très longtemps.
Pour moi, le succès du film ne dépendra pas tant du 14 décembre que de ce qu’il représentera dans dix ans. Si en marchant dans la rue je croise quelqu’un qui porte un t-shirt avec un deathtrooper ou un de nos nouveaux vaisseaux, je serai comblé. Au fond, j’ai encore l’impression que je vais me réveiller et réaliser que je suis toujours un gamin de cinq ans qui rêve d’une galaxie lointaine, très lointaine.
Rogue One : A Star Wars Story sort dans les salles françaises le 14 décembre.
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