À l’occasion de la sortie du dernier film de Hong Sang-soo, “De nos jours”, où l’alcool tient une place prépondérante, voici un petit condensé de scènes de cuite mémorables.
L’alcool est devenu un motif à part entière dans la filmographie de Hong Sang-soo, peuplée d’artistes et d’intellectuel·les qui cherchent à combler un vide existentiel. Si ce n’est pas par la création, ses personnages recourent à cet état second par l’absorption excessive de soju, qui apparaît dès lors comme un déclencheur permettant aux personnages de s’épancher voire de révéler des secrets.
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L’occasion de revenir, de manière plus globale, sur ce que l’alcool offre de plus beau et tragique au cinéma.
7 – Leaving Las Vegas de Mike Figgis (1995)
Comme le laisse entendre le film, l’alcool nuit gravement à la santé. Avec Leaving Las Vegas, Mike Figgis orchestre un quasi huis clos à Sin City, qui se transforme peu à peu en claustration physique. Après avoir été licencié par la société de production pour laquelle il travaillait et avoir été quitté par sa femme qu’il a trompée, Ben Sanderson ignore comment il en est arrivé à un tel état de décrépitude.
Prisonnier de son addiction, Ben échoue à Las Vegas et tombe amoureux de Sera, une jeune prostituée de luxe qui sera la victime collatérale du penchant incontrôlable de Ben, mais accepte de le suivre jusqu’au bout de sa déchéance. La descente aux enfers est inévitable pour Ben dans cette ville qui exerce sur ses visiteur·euses une emprise faite de tromperies et d’alcool.
6 – Rushmore de Wes Anderson (1998)
De Lost in Translation (2004) à Broken Flowers (2005), Bill Murray a souvent endossé des rôles de personnages désenchantés en quête de l’apaisante griserie que procure l’alcool. Dans le deuxième long métarge de Wes Anderson, Rushmore, l’acteur américain joue Blum, un personnage qui ressemble à un enfant coincé dans un corps d’adulte en plein désarroi.
Dans un monde fait de faux-semblants, Blum tente de jouer à l’adulte sans parvenir à trouver sa place dans la société. Il incarne la figure désabusée d’un quinquagénaire cynique. Vient cette séquence du plongeon sur une musique des Kinks, Nothin’ in the World Can Stop Me From Worryin’ ‘Bout That Girl, au mitan du film. Un verre de whisky à la main qu’il finit d’un trait, Blum escalade l’échelle du plongeoir au milieu d’un paysage grisâtre, entouré d’individus indifférents, et exécute l’un des plus beaux plongeons alcoolisés qui soient.
5 – Réveil dans la terreur de Ted Kotcheff (1971)
Dans Réveil dans la terreur, Ted Kotcheff révèle une masculinité toxique qui culmine dans une chasse au kangourou dans l’Outback australien, un arrière-pays dominé par une communauté machiste. Le film retrace le parcours chaotique de John Grant (Gary Bond), un instituteur qui sombre dans la dégradation morale. Le séjour du professeur, piégé par la bière et la chaleur dans une ville sinistre, se prolonge au milieu de l’enfer. L’alcool est source de violence et pousse à son paroxysme les excès et l’enferment. Le suicide semble être l’unique solution pour fuir. Un trip cauchemardesque.
4 – Le Poison de Billy Wilder (1945)
Avec Le Poison, Palme d’or à Cannes en 1945, Billy Wilder adapte le livre de Charles R. Jackson. Pionner en matière de traitement des addictions, le film retrace le parcours de Don (Ray Milland,) un écrivain qui préfère s’enferrer dans l’alcool que d’accepter de passer le week-end à la campagne avec son frère Wick, qui peine à désintoxer Don depuis bientôt six ans.
La perspective de ce week-end loin de tout alcool lui est insupportable. Pour se procurer à boire, il tente de mettre en gage sa machine à écrire, vole le sac à main d’une cliente d’un restaurant et mendie de l’argent à dans la rue. Cette descente aux enfers le conduit à l’hôpital après une chute. Don est alors pris en otage dans son propre cerveau lors d’une crise de delirium tremens où il croit être attaqué par des chauves-souris.
3 – Sybil de Justine Triet (2019)
Le portrait de femmes atteintes de troubles psychiques est un thème récurrent dans la filmographie de Justine Triet. Fraîchement auréolée de sa Palme d’or pour Anatomie d’une chute, la cinéaste dressait en 2019 le portrait de Sybil, une romancière qui sombre dans l’alcool. Si Sybil s’est reconvertie en psychanalyste pour se tenir éloignée de l’addiction, elle est rattrapée par le désir d’écrire et décide de quitter la plupart de ses patient·es pour se lancer dans un nouveau roman qui peine à avancer.
Sybil est rattrapée par son penchant et assite à des réunions d’alcooliques anonymes. Margot, une jeune actrice en détresse, la supplie alors de la prendre comme patiente. Tout se met alors à dérailler dans la vie de la romancière lorsque Margot l’implore de la rejoindre à Stromboli pour la fin d’un tournage, nourrissant un nouveau sujet de roman. Ce déplacement sur les traces de Rossellini conduit finalement le film vers un déchirement de l’intime.
2- Husbands de John Cassavetes (1970)
Cinéaste de l’ivresse, John Cassavetes est l’un de ces cinéastes qui est parvenu à saisir les effets de l’alcool de l’intérieur. Si dans Opening Night (1977), l’alcool permet de faire accepter à l’actrice de théâtre (Gina Rowlands) la souffrance et les tourments existentiels, dans Husbands, l’éthylisme apparaît comme le dernier rempart à la dépression. Le flux de l’ivresse est alors moteur de cinéma. Alors qu’ils saluent une dernière fois leur ami décédé, Harry (Ben Gazzara), Gus (John Cassavetes) et Archie (Peter Falk) sombrent avec la boisson dans les abîmes de l’existence pour noyer leur tristesse. Comme en témoigne cette longue scène dans un pub où, après l’enterrement de leur ami, les trois copains s’enfoncent dans une plongée éthylique invraisemblable.
1- The Party de Blake Edwards (1968)
L’alcool nuit à la santé. Soit. Pour Blake Edwards, il rend surtout la vie plus soutenable et festive, et rend possible ce mélange des tons propre au cinéaste. Blake Edwards a mis en scène nombre de personnages minés par la boisson, comme Nadia qui supporte fort mal la coupe de champagne que lui offre Walter dans Boire et Déboires, Kirsten et Joe, le couple d’alcooliques du Jour du vin et des roses ou encore George Webber en plein crise de la quarantaine dans Elle (1979).
Dans la comédie The Party (1968), le cinéaste met en scène une soirée dans le luxueux appartement d’un producteur hollywoodien. Hrundi V. Bakshi (Peter Sellers), un figurant indien gaffeur et maladroit, est invité par erreur et va rapidement bousculer les plans de la soirée. Cet intrus, symbolisé par l’éléphant au milieu du salon, apporte le chaos en insufflant un défoulement hédoniste. La fête se libère et culmine par un chaos joyeux et multicolore. Les domestiques s’enivrent avec les invités au beau milieu d’une épaisse nuée de mousse.
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