Le service cinéma des “Inrockuptibles” offre son classement de l’ensemble des œuvres réalisées par l’Américain Steven Spielberg.
5. The Fabelmans (2022, avec Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano)
Le dernier film en date de Steven Spielberg sonne comme un retour en enfance testamentaire. The Fabelmans fait du cinéma sa matière première, sa motivation et son épuisement. Des bancs de montage dans la chambre d’adolescent à un placard improvisé en salle de projection, le cinéma y est physique, agissant et concret. Dans la pénombre, il révèle les secrets et les douleurs de la vie, qui en deviennent le plus bel écho de la dérive des mondes et de la fin de l’innocence. L’enfance de l’art à son sommet.
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A. H.
4. Arrête-moi si tu peux (2002, avec Leonardo DiCaprio, Tom Hanks et Nathalie Baye)
L’histoire, tirée de faits réels, est celle d’un escroc mystificateur (Leonardo DiCaprio), véritable Fregoli capable de se faire passer pour médecin, pilote d’avion, avocat, prof, dans le seul but, qu’on sent pathologique, d’arnaquer les gens. Un policier d’assurance (Tom Hanks) tente de l’arrêter. Dans le rôle de sa mère, d’origine française, Nathalie Baye compose un personnage inquiétant, déséquilibré, qui annonce celui, interprété par Michelle Williams, de la vraie mère de Spielberg dans The Fabelmans. Un film plein de glamour, mais aussi très troublant sur l’identité, les identités.
J.-B. M.
3. Minority Report (2002, avec Tom Cruise, Colin Farrell et Max von Sydow)
Au sortir de A.I., Spielberg est courtisé par de grosses productions internationales (Harry Potter, Mémoires d’une geisha) mais préfère persister dans la science-fiction méditative, philosophique et politique avec cette adaptation éblouissante de Philip K. Dick aux accents de critique du sécuritarisme post-9/11. C’est aussi sa rencontre avec Tom Cruise, qui lui inspirera ses films les plus glauques, tourmentés par des images de pur cauchemar comme ici l’ophtalmoplastie façon Chien andalou, immédiatement suivie d’une dégustation de lait pourri. Au sommet à la fois de sa maîtrise et de son inspiration la plus débridée, Spielberg réussit tout à la fois : le thriller d’action high-tech palpitant, le mélodrame enfoui sur le deuil impossible d’un enfant, le casse-tête métaphysique sur les paradoxes temporels et l’hybridation SF/film noir 20 ans après Blade Runner.
T. R.
2. La Guerre des mondes (2005, avec Tom Cruise et Dakota Fanning)
Considérée par certain·es comme une critique de l’engagement américain au Moyen-Orient ou comme une métaphore de la Shoah, l’adaptation que Spielberg fait du classique de science-fiction de H.G. Wells est d’abord un film en état de sidération permanent. Aux côtés d’un Tom Cruise aux abois, on traverse une suite de scènes à la puissance visuelle indélébile et parfois teintées d’expressionnisme allemand : la terrible tempête d’éclairs et la sortie de l’alien d’un carrefour bétonné, la pluie de vêtements, le paysage couvert de lichen sanglant…
B. D.
1. A.I. Intelligence artificielle (2001, avec Haley Joel Osment et Jude Law)
Le motif vient de loin. On y voit un petit garçon qui ne peut trouver le sommeil avant que sa mère ne vienne lui donner un baiser et quelques caresses. À l’origine, il y a donc toujours le temps perdu, celui de l’enfance (l’écoulement sonore de la machine à café dans les mugs le matin, les pas de la mère sur le parquet, les heures passées à se cacher dans un placard…). Puis vient l’arrachement, une longue recherche qui dure le temps de l’existence. Et enfin le temps retrouvé, dans un épisode lugubre, où chaque sensation (café, parquet, placard) revient sur un mode déréalisé, réminiscence fantôme. En réalisant un projet abandonné de Kubrick, adapté d’un roman lui-même inspiré de Pinocchio, Spielberg a surtout rencontré Proust. Le gigantisme d’une odyssée SF qui court sur plusieurs ères (glaciaire, post-glaciaire) et plusieurs civilisations (la Terre aux mains d’extraterrestres) se plie et se résorbe jusqu’à être contenu dans une larme d’enfant qui n’arrive pas à dormir. Et rien n’est plus bouleversant.
J.-M. L.
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