Le service cinéma des “Inrockuptibles” offre son classement de l’ensemble des œuvres réalisées par l’Américain Steven Spielberg.
14. Le Pont des espions (2015, avec Tom Hanks, Mark Rylance)
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Encore un film avec Tom Hanks, ici dans le rôle d’un modeste avocat américain, héros du quotidien comme Spielberg les aime, qui accepte au nom du droit de défendre l’indéfendable aux États-Unis : un espion soviétique. Après lui avoir évité la chaise électrique, il tente d’organiser un échange avec un pilote américain prisonnier des Soviétiques. Le film révèle dans le rôle du mystérieux et flegmatique espion russe le grand acteur britannique Mark Rylance (vu dans Intimité de Patrice Chéreau en 2001), qui n’a cessé depuis de tourner (Dunkerque, Les Sept de Chicago, Don’t Look Up). Quant à Spielberg, il démontre une fois de plus sa fidélité à des valeurs américaines infaillibles.
J.-B. M.
13. Empire du soleil (1987, avec Christian Bale, John Malkovich)
Grand cinéaste de l’Histoire, Spielberg est l’un des rares auteurs à avoir traité le conflit de la Seconde Guerre mondiale sous autant d’angles différents (la paranoïa d’un Pearl Harbor à Los Angeles dans 1941, la Shoah dans La Liste de Schindler ou encore le débarquement du 6 juin 1944 dans Il faut sauver le soldat Ryan). Dans Empire du soleil, Spielberg poursuit son étude de la période en plongeant dans le Shanghai de 1941 et offre au jeune Christian Bale son premier rôle de cinéma. De ces films sur cette période historique, Empire du soleil est assurément le plus spielbergien dans les motifs déployés : la séparation des parents et les différents traumatismes survenus pendant l’enfance.
L. B.
12. Duel (1971, avec Dennis Weaver, Jacqueline Scott)
Premier vrai long métrage de Spielberg (il a tourné Firelight à 17 ans, en amateur), Duel est un téléfilm réalisé pour la chaîne ABC. Road movie et thriller aux accents hitchcockiens, Duel permet au jeune cinéaste d’à peine 25 ans, par la simplicité absurde de son concept – un camion défraîchi chasse un automobiliste en plein désert californien –, d’exprimer l’étendue de son talent à susciter l’angoisse.
B. D.
11. Jurassic Park (1993, avec Sam Neill, Laura Dern, Jeff Goldblum)
“Les dinosaures mangent l’homme. Et la femme hérite de la Terre.” Instantanément culte, Jurassic Park a fait revenir d’entre les morts les plus anciens fantômes, vieux de 66 millions d’années : les dinosaures, devenus des créatures de relais pour une fascination miraculeuse. Avec une scène iconique de verre d’eau tremblant, Steven Spielberg n’a pas simplement fabriqué un mythe, mais il a marié pour de bon l’entertainment le plus global avec la métaphysique. Monstrueux.
A. H.
10. E.T., l’extra-terrestre (1982, avec Henry Thomas, Drew Barrymore)
En 1982, Steven Spielberg a déjà réalisé six longs métrages en à peine huit ans. Avec E.T., il renoue avec ses amours pour le genre de la science-fiction et réalise ce qui pourrait s’apparenter à un film somme, matriciel. Organisé autour de l’arrivée d’un petit extraterrestre malencontreusement égaré sur terre, le film prend la forme d’une immense épopée, un récit d’aventure, une fable écolo épousant les infimes courants de l’enfance, ses couleurs (le rouge d’un sweat, le blanc d’un drap, le jaune des fleurs). Filmée comme une société secrète et autonome, un noyau à préserver, l’enfance est seule à même de comprendre et d’accueillir l’autre, l’étranger. Le monde adulte est ici du côté de l’incommunicable, du non-dit (un père parti, absent).
Si les notes sautillantes de John Williams ont fixé à jamais des airs chantants de gaieté sur la naissance d’une amitié, E.T., comme A.I. près de vingt ans plus tard, garde surtout en souvenir cette tristesse immense, inconsolable, rattachée, pour ses plus jeunes spectateurs, à cette première et insupportable expérience de la discrimination. Le grand film woke des années 1980 ?
Marilou Duponchel
9. Les Aventuriers de l’arche perdue (1981, avec Harrison Ford, Karen Allen)
Il s’agit du premier épisode des aventures d’“Indiana” Jones alias Pr Henry Walton Jones Jr. (Harrison Ford), homme à double visage, puisqu’il est à la fois un aventurier archéologue athlétique et batailleur, et un professeur d’archéologie et d’histoire des civilisations antiques policé dans une université américaine. Le film puis la saga, produits par George Lucas, renouent avec un cinéma d’aventures exotiques qui avait peu à peu disparu du cinéma hollywoodien avec l’avènement de la modernité. Spielberg et Lucas y ajoutent des effets spéciaux somptueux, de l’humour, du fantastique (le dieu des Hébreux fait fondre les nazis). Un bonbon de cinéma.
J.-B. M.
8. Les Dents de la mer (1975, avec Roy Scheider, Richard Dreyfuss)
Le talent de Spielberg, qui consiste à imprimer notre rétine d’images pour l’éternité, atteint peut-être avec Les Dents de la mer son paroxysme, tant le film et sa bande-son culte sont devenus synonymes de la peur irrationnelle d’être attaqué·e par un requin. La terreur d’être mangé faite film, c’est la grande force des Dents de la mer et aussi sa limite, dans le sens où le revers de son efficacité pure est un aspect monolithique un peu bêta mais qui fera de nombreux émules, de la franchise Piranha à Rubber de Quentin Dupieux.
B. D.
7. Pentagon Papers (2017, avec Tom Hanks, Meryl Streep)
On ne peut pas dire que le cinéma de Spielberg soit densément peuplé d’héroïnes. Mais Pentagon Papers en est le contre-exemple. Meryl Streep y campe Katharine Graham, propriétaire du Washington Post, que tente de convaincre Benjamin Bradlee (Tom Hanks) de publier des documents compromettants sur l’engagement américain au Vietnam. Ode à la liberté de la presse, ce film tout en chambrée et en open space rédactionnel fixe aussi une image forte, celle des colonnes d’imprimerie qui amènent, littéralement, la vérité à la surface du monde.
B. D.
6. Rencontre du troisième type (1977, avec Richard Dreyfuss, Teri Garr, François Truffaut)
Le premier film de science-fiction de Spielberg et une magnifique description, quasi réaliste, de l’arrivée sur Terre de machines volantes extraterrestres, dont le dessein semble, événement rarissime dans l’histoire du cinéma, bienveillant à l’égard des Terriens. On est donc très loin de La Guerre des mondes et de ses monstres sans pitié qui veulent annihiler l’humanité et s’emparer de la Terre et de ses ressources. Et E.T. n’est pas très loin. François Truffaut, en scientifique avisé spécialiste des ovnis, est totalement hallucinant, presque aussi extraterrestre que les créatures venues du bout de l’univers. Un film mal accueilli à sa sortie, qui vieillit de mieux en mieux à chaque vision.
J.-B. M.
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