Filmé avec mordant, le combat d’une dirigeante d’entreprise dans un monde d’hommes qui ne négligent aucun coup bas misogyne.
Il n’y a pas de femme pdg dans le CAC 40. Tonie Marshall est la première réalisatrice à le souligner et à questionner, via la fiction, cette grossière absence : pourquoi les femmes sont-elles exclues de ce club très fermé des entreprises les mieux cotées du marché (même si deux ou trois personnalités féminines y occupent de hautes fonctions) ? Que se passerait-il si une dirigeante tentait de prendre la tête d’une de ces puissantes sociétés ?
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Soit une ingénieure brillante (Emmanuelle Devos), salariée d’un groupe type Engie, lancée à la conquête d’une compagnie d’eau cotée en Bourse. La voie lui sera montrée par un lobby féministe qui lui apprend à se frayer un chemin dans les arcanes d’un pouvoir détenu par les hommes.
Pour scénariser cette croisade, la réalisatrice, bien éloignée ici de l’univers de la comédie (Passe-passe, Tu veux ou tu veux pas ?), s’est documentée sur la vie des grandes entreprises (la journaliste Raphaëlle Bacqué lui a prêté main forte à l’écriture) et réussit une belle synthèse entre la fable sur le pouvoir et le cinéma social dans le monde des comités exécutifs.
Mais ici, celle qui est la cible des discriminations est aussi le personnage ambitieux du film. Cette ambivalence est incarnée par Emmanuelle Devos, dont le flegme et la fausse nonchalance inventent un style ambigu d’empowerment féminin : sans user des armes cyniques de ses adversaires (ces prédateurs un poil caricaturaux joués par Richard Berry et Benjamin Biolay), elle s’approprie leurs clés de langage en vue de les neutraliser (lors d’une réunion, elle est, par exemple, la seule à parler la langue d’interlocuteurs chinois).
Tonie Marshall rend compte avec mordant des jeux de domination. Un embrouillamini d’intrigues et de complots qui verse agilement dans la fable politique à suspense. On se passionne pour cette héroïne qui peine à faire cohabiter tous ses “moi” – la femme de tête gaffeuse, la fille en conflit avec son père, l’amoureuse négligente – dont on espère un jour voir émerger le double épanoui dans la vie réelle.
Numéro une de Tonie Marshall (Fr., 2017, 1 h 50)
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