La pression s’intensifie sur les cinéastes indépendants iraniens après l’annonce d’une importante série d’arrestations ce week-end. Entre fausses accusations d’espionnage et opportunisme politique : le dernier acte d’une « logique paranoïaque » du régime.
La série noire se poursuit en Iran : après l’annonce, le 8 septembre, de l’assignation à résidence du cinéaste Mojtaba Mirtahmasb (co-auteur, avec Jafar Panahi, de Ceci n’est pas un film), sept nouveaux cinéastes iraniens ont été arrêtés ce week-end. Ils sont accusés de travailler secrètement au nom de l’antenne Persane de la BBC (dont la diffusion est interdite en Iran), pour laquelle ils auraient réalisé des films et documentaires jugés défavorables à l’image du régime, rapportait hier la presse gouvernementale.
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La chaîne britannique a immédiatement réagi, affirmant sur son site Internet qu’ »aucun de ces cinéastes ne travaille pour les service Persans, officiellement ou officieusement ». Dernier acte d’une guerre froide déclarée entre la BBC (plus généralement les médias occidentaux) et l’Iran, cette nouvelle vague d’arrestations de cinéastes, l’une des plus importantes depuis les mouvements verts de 2009, survient dans un contexte de durcissement du régime : pressions exercées sur les artistes femmes (auxquelles nous consacrions récemment une enquête) ; blocage symbolique du cas Jafar Panahi…
« La censure du régime s’accélère, indique aux Inrocks le directeur de la cinémathèque française, Serge Toubiana. Les plus menacés actuellement sont les documentaristes, ceux qui sont en prise avec l’actualité, le réel, l’information. On ne comprend pas les arrestations de ce week-end, peut-être y a-t-il des contradictions au sein du régime, mais rien n’explique cette soudaine violence. »
Un documentaire polémique à l’origine des arrestations
Selon le directeur de la cinémathèque française, qui a multiplié ces derniers temps les initiatives de soutien aux cinéastes iraniens (accueil de Mohammad Rasoulof, rétrospective Jafar Panahi en février dernier), les sept artistes ont été arrêtés ce week-end à leur domicile ou sur leur lieu de travail. Il s’agirait de Nasser Saffarian (critique et réalisateur d’Auto-Stop), Hadi Afarideh (auteur du documentaire The Memory of Niavaran), Mohsen Shahnazdar (journaliste et documentariste), les réalisateurs Shahnam Bazdar et Mehrdad Zahedian et la productrice Katayoune Shahabi.
Mais un autre nom, plus médiatique, s’ajoute à la liste des victimes de cette nouvelle offensive policière selon Serge Toubiana : Mojtaba Mirtahmasb, le coréalisateur de Ceci n’est pas un film (présenté au dernier festival de Cannes, et distribué en France à partir du 28 septembre), qui s’était vu confisquer son passeport au début du mois alors qu’il s’apprêtait à s’envoler pour Toronto. « Son fils et sa femme étaient à la cinémathèque hier, nous devions réaliser une interview par Skype depuis l’Iran, lorsqu’on nous a appris qu’il était arrêté. »
Selon plusieurs sources citées par l’International Campaign for Human Rights in Iran, les cinéastes ont été transférés dans la section 240 de la prison d’Evin à Téhéran, sous le contrôle du ministère du Renseignement. « Le régime va demander des cautions importantes, précise Serge Toubiana, c’est un système d’intimidation, il n’y a rien de toute façon dans les dossiers. » Le principal motif d’accusation serait, selon le New York Times (qui n’évoque pas le cas de Mojtaba Mirtahmasb), la participation des cinéastes à un documentaire sur le Guide suprême iranien Ali Khamenei, diffusé sur la BBC (documentaire en intégralité ci-dessous).
La chaîne britannique a catégoriquement démenti, et précisé que le film avait été tourné en interne, sans aucun soutien de journalistes ou cinéastes iraniens –lesquels sont interdits par le régime de travailler pour des radios ou télévisions non-gouvernementales. Ce serait plutôt une simple « technique de diversion » selon Serge Toubiana : « Le régime utilise de plus en plus les cinéastes, présentés comme des espions au service de l’étranger, pour dissimuler ses propres failles. »
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Romain Blondeau
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