Avec un mini-avion, le cinéaste explore le Soudan, livré à la convoitise des Chinois et Nord-Américains.
Dix ans après son controversé mais dantesque Cauchemar de Darwin, Hubert Sauper revient avec le second volet de sa trilogie potentielle sur la postcolonisation et la globalisation en Afrique. Mais ce film n’est que la partie émergée d’une aventure qui pourrait fournir la matière d’un autre documentaire sur les modalités hasardeuses du tournage.
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En effet, Sauper a lui-même construit un ULM amélioré, déguisé en mini-avion, qui l’a mené par étapes de France jusqu’au Sud-Soudan. L’engin est certes présent dans le film et a servi aux prises de vues aériennes. Mais Sauper reste modeste et ne s’appesantit pas sur ses propres exploits, préférant consacrer l’essentiel à son regard à la fois pessimiste et fasciné sur ce continent qui reste la foire d’empoigne des pays riches.
Tourné au moment de la partition du Soudan, après des décennies de guerre (remember the Darfour ?), le film explore surtout le camp chrétien (le Sud-Soudan), à la merci d’entreprises chinoises venues exploiter le pétrole ou d’évangélistes texans tout droit sortis de Tintin au Congo.
Des raccourcis visuels éloquents
Le ton et le style global du film sont dans la lignée du Cauchemar de Darwin. Il faut rappeler, comme l’a répété Hubert Sauper, accusé par le passé d’inexactitude et d’inventions, qu’il n’est pas un reporter, ni un documentariste impassible. Ce film est une œuvre personnelle, un documentaire de création.
Sauper joue du catapultage entre le macrocosme et le microcosme, entre l’usine chinoise futuriste où l’on regarde des films de SF et, à deux pas de là, un village de cases où la nappe phréatique est contaminée par le pétrole. Ce n’est pas un récit linéaire et limpide mais un chaudron de sorcière dont l’hétérogénéité, les chocs formels, le goût des contrastes, font la force et la singularité. Voir la séquence surréaliste où un ambassadeur américain venu inaugurer une centrale électrique débite un laïus old school sur les vertus de la civilisation lorsque soudain un guerrier traditionnel déboule avec une lance et tourne furieusement autour de la foule. Toute la magie du cinéma de Sauper se trouve dans ces raccourcis visuels aussi déroutants qu’éloquents.
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