Lyrique et noir, le road-movie de deux amants criminels.
Les Amants de la nuit version gay : décidément, ce film de Nicholas Ray hante une partie des jeunes cinéastes français actuels – Teddy Lussi-Modeste (Jimmy Rivière), Rebecca Zlotowski (Belle épine). Mais avec aussi un zeste de Claire Denis (J’ai pas sommeil, pour l’absence de jugement et le sens du cadre) mâtiné de Jacques Nolot (Avant que j’oublie, pour la haine de soi), deux grands cinéastes du vampirisme : voici comment au débotté l’on pourrait présenter le nouveau film de Gaël Morel quatre ans après la réussite d’Après lui (avec Catherine Deneuve).
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Notre paradis a tout du film tourné à l’arraché, sans grands moyens, ce qui à la fois limite sa marge de manœuvre et lui donne une énergie qui emporte tous ses petits défauts de fabrication. La vision de la société que nous propose Morel n’est ni plaisante ni flatteuse, et sa mise en scène fait une avec elle.
Notre paradis raconte l’histoire d’un prostitué masculin en fin de carrière, Vassili (Stéphane Rideau, bad boy et bedaine virile en avant), qui doit approcher la quarantaine.
Vassili est au bord du vide : revenu de tout, il est habité de pulsions assassines à l’encontre de ses vieux clients, qu’il élimine les uns après les autres sans pitié (au sens propre) avant qu’ils ne se débarrassent de lui (au sens figuré).
La jeunesse est au cœur de Notre paradis : celle que convoitent les vieux (homos) montrés dans le film, avec leurs petites manies, leurs grosses perversions ; celle qui les a quittés et dont ils se nourrissent en la possédant le temps d’une passe.
Vassili fait justement la connaissance d’un tout jeune prostitué qui s’est fait agresser un soir au bois de Boulogne, Angelo (Dimitri Durdaine, dans son tout premier rôle au cinéma), qui va (peut-être) redonner un peu de sens à sa vie. L’amour naît entre eux.
Désormais, ils travaillent à deux, Angelo jouant, par sa jeunesse et sa beauté, le rôle de la chèvre. Mais le jeune homme découvre la folie meurtrière de son mec, et les voici qui cavalent en province, où ils retrouvent une vieille amie de Vassili, interprétée par Béatrice Dalle. L’espace de quelques scènes, un ailleurs calme, une lueur de recommencement semblent possibles.
Mais nous sommes dans un film noir. Dans la dernière partie, un acteur formidable fait exploser le dispositif du film : Didier Flamand.Il renverse à lui seul tous les clichés, tous les a priori exposés dans la première partie sur la vieillesse avide de sang frais.
Et le film de Gaël Morel, grâce à Flamand, à l’altérité qu’il représente par rapport au sujet, échappe à son idéologie première. Trouver l’équilibre d’un film pendant sa fabrication, c’est être un vrai cinéaste. Morel l’est assurément.
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