Nosferatu, eine Symphonie des Grauens
de Murnau
Reprise On sera lapidaire (et sans pitié) : qui n’aurait pas vu Nosferatu, eine Symphonie des Grauens (1922) de Murnau, cinéaste démesuré mort d’un accident de voiture en taillant une pipe à son chauffeur, est prié de réparer cette lacune sur-le-champ.
Et de remercier, à genoux, Galeshka Moravioff qui, après avoir ressorti l’année dernière, avec succès, Metropolis de Fritz Lang, livre en copie neuve et sur une musique de sa composition cette quintessence du cinéma, et pas seulement fantastique ni muet. Du cinéma tout court, art « gris » comme le siècle : « Si seulement vous pouviez vous représenter l’étrangeté de ce monde. Tout ici la terre, l’eau et l’air, les arbres, les gens , tout est fait d’un gris monotone » (Maxime Gorki). Les fantômes de Murnau obsédèrent les surréalistes qui passèrent le pont comme des zombis heureux, et viennent encore à notre rencontre : tâchons, pour une fois, d’être présentables. Rarement film aura aussi puissamment imprégné l’imaginaire par l’éclat de sa mélancolie, son romantisme (allemand). Comment après tout ne pas s’identifier à la noirceur errante et fatale du vampire à la silhouette translucide de polype quand il déserte son château-pierre tombale pour essaimer la mort pestilentielle à travers le monde (sur un bateau nommé Déméter, comme la déesse grecque, symbole de vie éternelle) , comment ne pas sentir passer encore aujourd’hui cet « avant-goût froid de Jugement dernier » que décrivait Belà Balàzs, critique hongrois de l’époque. Nosferatu suit ainsi son cours sépulcral, entre le cœur transi (du vampire, de ceux qui l’approchent) et le monde vibrant (des paysages, des montagnes, des forêts, des sentiers, des villes, de la jeune vierge qui finalement se sacrifie) jusqu’à la délivrance, quand le Jour triomphe, traîtreusement d’ailleurs, de la Nuit et calcine le distrait.
On se doit de préciser qu’il s’agit d’une version restaurée : la copie comme à l’origine est teintée, c’est-à-dire que les scènes de jour sont jaunes et celles de nuit bleues. Ceux qui ont découvert Nosferatu en noir et blanc s’agaceront peut-être de ce retour aux procédés originaux. Pourtant, la répartition entre le diurne et le nocturne est rétablie quand la seule copie noir et blanc classique pouvait laisser accroire (aux non-initiés ès vampirologie) que tout se passait en plein midi ! Quoi qu’il en soit, les nuits de Murnau demeurent toujours plus belles que nos jours.
Didier Péron
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