Après 75 centilitres de prière et Corps inflammables, deux moyens métrages sortis en 1995, Jacques Maillot poursuit son auscultation des trentenaires, à travers leurs luttes intérieures, leur solitude, leurs frustrations, leur difficulté à s’incarner. Nos vies heureuses tente de dresser une sorte d’état des lieux de plusieurs existences prises à un certain moment de crise. […]
Après 75 centilitres de prière et Corps inflammables, deux moyens métrages sortis en 1995, Jacques Maillot poursuit son auscultation des trentenaires, à travers leurs luttes intérieures, leur solitude, leurs frustrations, leur difficulté à s’incarner. Nos vies heureuses tente de dresser une sorte d’état des lieux de plusieurs existences prises à un certain moment de crise. A travers l’entrecroisement de six protagonistes, reliés par une amitié plus ou moins proche, le film essaie de rendre compte de la dureté de devenir adulte, de se trouver une identité viable, de rencontrer l’âme soeur, de garder ses amitiés… Choisir six personnages et prendre le temps de les laisser se mettre en place, gagner en épaisseur, se côtoyer, bifurquer : le projet était ambitieux, mais le résultat final est bien maigrelet. Le film est semblable à une bobine se dévidant par le milieu, puisque l’on prend ces histoires en route, et qui pourrait continuer de se dérouler à l’infini sans déranger, ni vraiment passionner. C’est bien là que le bât blesse. Malgré les faits bien réels qui traversent ces existences, petits ou grands bonheurs, accidents de parcours, galères en tout genre et vraies tragédies, le film demeure transparent, fade et pâle. On ne parvient pas à se mobiliser, on reste vaguement indifférents, avec le sentiment que ces personnages et leur vie n’arrivent pas à s’imposer à nous, que tout cela peine à s’incarner avec force sur la pellicule. Malgré un début plutôt sympathique, le film s’enlise ensuite dans une durée molle il pourrait ne durer qu’une heure et demie ou bien quatre heures, cela ne changerait rien de fondamental. On songe à une sitcom qui voudrait s’accaparer les sujets de société dans l’air du temps, car les caractères des personnages apparaissent trop typés et plaqués artificiellement. Cela donne l’impression de feuilleter une page sur les sans-papiers, puis une sur les homos, une autre sur les jeunes militants catholiques, etc. Jacques Maillot a peut-être péché par excès de bienveillance, il a voulu donner un temps de parole et d’existence égal à chacun de ses acteurs (ce qui est louable), mais à trop partager équitablement, il a paradoxalement nivelé leur existence à tous.
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