Quand la morale du détachement propre à Gus Van Sant neutralise tous les effets d’un mélo censément larmoyant.
Question : les critiques de cinéma sont-ils des chiens ? Réponse : ouah ! ouah !”, écrivait une fois le critique Jacques Rivette. Que reste-t-il de Nos souvenirs, le nouveau film de Gus Van Sant, une fois passé à tabac par ses recenseurs ? Cette battue aura au moins vérifié le refus rageur d’envisager un “mauvais film” à la lumière de cet ensemble, peut-être fictif, qu’on appelle encore parfois l’œuvre d’un cinéaste. Non, Nos souvenirs se fait mordre depuis le point de vue de son inefficacité mélodramatique, en effet totale. Personne pour reprendre les refrains de l’inefficace comme vertu, ou du second degré comme rédemption. On a seulement pris Nos souvenirs pour ce qu’il veut être, un navet hollywoodien avec movie stars en roue libre.
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Le fait que le film tourne autour de l’idée de faute et de suicide ne nous mettra donc pas sur la voie d’essayer vaguement de le comprendre. Rien de moins “life-affirming” que ce film, selon l’adjectif employé par son acteur Matthew McConaughey pour le défendre et par des critiques pour le descendre. L’affirmation naïve du vouloir-vivre, mot d’ordre du navet hollywoodien générique, s’y trouve reversée dans le bain du pur hasard. Le cancer de Naomi Watts qui pousse son mari vers la “forêt des suicidés” au Japon, puis le chemin introuvable pour en sortir, n’ont rien à voir avec un quelconque destin. Hasard qui préside aussi à la construction du film, dont les mouvements de caméra ont été décidés aux dés.
Ce devant quoi il n’y a radicalement aucune raison de pleurer ne saurait faire l’objet d’un mélo efficace. Un film passe, caravane stoïque évitant les oasis du sens de la vie. Sa faute, qui déchaîne le chien en nous, réside dans son affirmation que l’inexistence de toute faute (de toute justification) n’est ni une raison de vivre, ni une raison d’en finir. Qui se fatiguera à contredire une telle sagesse ? Il appelle son spectateur à n’avoir rien à perdre, et enjoint les chiens à se rendre un peu plus indifférents à leurs os.
Nos souvenirs de Gus Van Sant, (E.-U., 2015, 1 h 50)
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