La cinéaste et actrice de 23 ans, originaire du Kosovo, a déjà signé deux longs métrages pleins de fougue autour de la jeunesse.
“Je me rappelle dire à ma mère : c’est étrange, mais je suis persuadée que c’est possible, on va galérer mais ça va le faire.” Luàna Bajrami, 23 ans, plus d’une dizaine de rôles à son actif et deux longs métrages en tant que réalisatrice (La colline où rugissent les lionnes, 2021, et Notre monde, 2024), n’a jamais assimilé l’inconscient sexiste qui voudrait qu’à son âge, par son genre, on s’empêche, on s’excuse. “Il y a un mur ? Tu tapes dedans”, et ce, malgré le dédain fait à l’endroit de sa jeunesse (“Je pense que c’est hyper-important de valoriser beaucoup plus de jeunes artistes sur la scène culturelle”).
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C’est cette même fougue, “culot à mort” et colère saine, qui irrigue ses deux films, portrait en diptyque de la jeunesse du Kosovo, son pays d’origine. Si Notre monde s’inscrit dans un contexte précis (2007, veille de l’indépendance), c’est bien une forme d’atemporalité universelle que vise la réalisatrice qui préfère, dans ses récits, évacuer la présence de smartphones, qu’elle juge peu cinégéniques, et rêverait pouvoir se passer d’Instagram, “écran de fumée” qui “rapproche” mais “éloigne terriblement”.
L’actualité, Luàna Bajrami s’y intéresse dès son plus jeune âge lorsqu’elle écrit, tourne et monte ses premiers films “à l’arrache”, empreints du monde qui l’entoure : “Il y a eu une période sur les attentats. J’étais aussi inspirée par Tim Burton, c’était un peu darkos avec des choses métaphoriques.” C’est avec le court métrage Vincent, du même Burton, que la jeune cinéaste, nourrie de littérature classique, passionnée par “l’analyse humaine” de Dostoïevski, Balzac, Zola ou Steinbeck, comprend “ce qu’est un point de vue”. Plus tard, elle est marquée par la découverte de De rouille et d’os de Jacques Audiard, du cinéma de Sciamma et de Tarantino, quand Fish Tank d’Andrea Arnold, influence majeure, lui donne le sentiment d’accéder à la vérité des émotions.
L’époque lui inspire un sentiment “d’absurdité généralisée” que l’art lui permet de surmonter – elle cite Les Identités meurtrières, essai d’Amin Maalouf, comme pièce maîtresse de sa pensée. “Je réfléchis beaucoup à ce que je veux transmettre à mes deux petites sœurs. Même si la parole se libère, il y a toujours cette idée qu’être une meuf est une tare. Je ne leur donnerai qu’un conseil : ne vous posez pas de questions.” Mantra fidèle à l’aventurière qui n’aime rien tant que les sauts dans le vide et le “cataclysme” d’un plateau de cinéma.
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