Pour célébrer comme il se doit ce mois des fiertés 2023, on vous propose de vous replonger dans 100 des plus grandes histoires d’amour LGBTQIA+ de l’histoire du cinéma… Des coups de foudre, des récits déchirants, des rencontres ratées, et quelques happy endings…
Retrouvez les autres parties du classement, de 100 à 76, de 75 à 51, et enfin de 50 à 26.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Le top 100 a été réalisé à partir des classements individuels de Philippe Azoury, Emily Barnett, Ludovic Béot, Iris Brey, Romain Burrel, Alexandre Büyükodabas, Clélia Cohen, Bruno Deruisseau, Marilou Duponchel, Hélène Frappat, Jacky Goldberg, Murielle Joudet, Thierry Jousse, Olivier Joyard, Marie Kirschen, Jean-Marc Lalanne, Gérard Lefort, Jean-Baptiste Morain, Léo Moser, Camille Nevers et Théo Ribeton.
25. Mala Noche de Gus Van Sant (États-Unis, 1986). Avec Tim Streeter, Doug Cooeyate, Ray Monge
Le premier long-métrage de Gus Van Sant, inspiré de l’œuvre d’un écrivain de Portland issu du mouvement beatnik, Walt Curtis. L’homme y raconte son histoire d’amour avec un jeune immigré clandestin venu du Mexique. Avec cette sentimentalité nonchalante qui n’appartient qu’à lui, cette sensualité et empathie extrêmes, Gus Van Sant filme un amour intéressé entre un jeune homme opprimé prêt à profiter de tout pour survivre et un homosexuel blanc, se sentant de manière épidermique du côté des opprimés, mais profitant de ses relatifs privilèges pour arriver à ses fins. Pourtant, en dépit de l’inégalité de l’échange et de l’instabilité de la situation, un peu d’amour et d’amitié circule. Jean-Marc Lalanne
24. O Fantasma de João Pedro Rodrigues (Portugal, 2000). Avec Ricardo Meneses, Beatriz Torcato
Le premier film de Joao Pedro Rodrigues raconte l’odyssée sexuelle insatiable d’un jeune éboueur gay lâché dans la nuit lisboète. Le fantasme du titre renvoie à une pratique animale du sexe. On le voit dès les premières scènes, le jeune éboueur n’embrasse ni ne sent ses partenaires, il les lèche, les mord, les renifle, leur aboie dessus ou grogne comme une chienne en chaleur. Ses étreintes relèvent plus de l’accouplement sauvage que de l’acte d’amour ou même de la baise. O Fantasma raconte une zoomorphisation, une métamorphose kafkaïenne en forme de parade nuptiale, de rut éblouissant et solitaire. Bruno Deruisseau
23. Ma vie avec Liberace de Steven Soderbergh (États-Unis, 2013). Avec Michael Douglas, Matt Damon
Présenté comme le dernier film de Steven Soderbergh lors de son passage à Cannes en 2013 (avant que le cinéaste ne finisse par se dédire après seulement quatre ans), Ma vie avec Liberace est une étrange romance circulaire, ou plutôt en spirale. Un portrait de l’artiste en roi-soleil, autour duquel chacun se doit de graviter harmonieusement sous peine d’être éjecté de l’orbite. Monarque absolu en son royaume, le king of kitsch Liberace (Michael Douglas, dans son dernier grand rôle) y accueille un jeune ingénu (auquel Matt Damon prête la douceur de ses traits), qui va follement l’aimer et dont il va disposer comme d’un brave toutou. Cruel et néanmoins terriblement poignant. Jacky Goldberg
22. But I’m a Cheerleader de Jamie Babbit (États-Unis, 1999). Avec Natasha Lyonne, Michelle Williams, RuPaul
Plutôt snobé par la critique à sa sortie, le premier long-métrage de Jamie Babbit a, depuis, conquis le statut de “classique” du cinéma homo. Il est carrément le “meilleur film lesbien de tous les temps” selon le média queer Autostraddle. Il faut dire que ce film fauché a tous les bons ingrédients : deux actrices bien castées (l’excellente Natasha Lyonne d’Orange is the New Black, et Clea DuVall, qui a réalisé Happiest Season en 2020), un esprit camp affirmé, RuPaul en guest star… Derrière son pitch de comédie romantique cucul (une jeune femme envoyée dans un centre de “thérapie de conversion” tombe – bien évidemment – amoureuse d’une condisciple), le film arrive surtout à nous faire rire de l’homophobie. Un pari casse-gueule, mais réussi. Marie Kirschen
21. Victor Victoria de Blake Edwards (Etats-Unis, 1982). Avec Julie Andrews, James Garner, Robert Preston, Lesley Ann Warren
Marivaudages, postiches et mascarades dans le Paris gay des années 1930 : une chanteuse sans le sou (Julie Andrews), aidée par un présentateur de boîtes de nuit homo sur le retour, rencontre le succès en se faisant passer pour un comte polonais travesti en femme. Mais un gangster américain et producteur de spectacles n’apprécie guère d’avoir été troublé par un homme… Tout se complique car la chanteuse n’est pas insensible au charme du mafieux…. Mais comment révéler la vérité sans gâcher sa carrière ? Ici, toutes les identités sexuelles et de genre sont mouvantes. Une joyeuse comédie musicale (composée par Henry Mancini) libre, drôle et réjouissante. Jean-Baptiste Morain
20. Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma (France, 2019). Avec Adèle Haenel, Noémie Merlant
Considéré comme un des instigateurs du female gaze en France, ce film d’époque brillamment mené par Céline Sciamma emprunte à La leçon de Piano de Jane Campion tout en s’émancipant des carcans patriarcaux. Sur une île reculée de Bretagne, des femmes s’aiment, jouent aux cartes, chantent et se soutiennent, telles des amazones en jupon. Marianne doit faire le portrait d’Héloïse pour le faire parvenir à son promis. C’est sans compter le charme indocile de son modèle, de qui elle va rapidement tomber sous le charme. Devenu un symbole des nouvelles luttes féministes, Portrait de la jeune fille en feu est une ode aux amours saphiques et sorores. Léon Cattan
19. Love Is Strange d’Ira Sachs (États-Unis, 2014). Avec John Lithgow, Alfred Molina
Love Is Strange, c’est Place aux jeunes (1937) de Leo McCarey version gay : la séparation physique obligée, pour des raisons économiques, de deux époux vieillissants. Car après une liaison de près de quarante ans, George et Ben (Alfred Molina et John Lithgow, géniaux) ont décidé de se marier. Paradoxalement, cette union les plonge dans la précarité économique. Un mélo pudique, tendre et déchirant, baigné d’humour. J-B.M.
18. Certaines femmes de Kelly Reichardt (États-Unis, 2016). Avec Kristen Stewart, Laura Dern, Michelle Williams
Chez Kelly Reichardt, la beauté surgit au détour du quotidien, aussi austère et morose soit-il. Dans la bourgade du Montana où se déroule Certaines Femmes, ses héroïnes sont bien loin d’être des créatures fantasmatiques ou idéalisées. Alors que Laura se démène dans son boulot d’avocate et que Gina est en pourparlers pour construire une maison, c’est l’amour qui transporte Jamie, même s’il n’est qu’à sens unique. Éprise d’une professeur de cours du soir interprétée par Kristen Stewart, Jamie s’entête et s’accroche avec la grâce d’un cow-boy. Et laisse une marque poétique indélébile sur l’œuvre de Kelly Reichardt. L.C.
17. M. Butterfly de David Cronenberg (États-Unis, 1993). Avec Jeremy Irons, John Lone, Barbara Sukowa
Dans les années 1960, René Gallimard, un comptable travaillant à l’ambassade de France (Jérémy Irons), tombe sous le charme de Song Liling, une mystérieuse diva de l’opéra de Pékin, qui se révèle être une femme transgenre (John Lone). Le film retranscrit cette histoire d’amour avec une puissance et une incandescence rares. M. Butterfly est aussi très fort dans sa capacité à mettre en scène une forme d’intersectionnalité avant l’heure, en montrant en quoi la condition d’existence de Song se situe à un carrefour de domination raciste, coloniale, genrée, transphobe et sexiste. B.D.
16. 120 Battements par minute de Robin Campillo (France, 2017). Avec Nahuel Pérez Biscayart, Arnaud Valois
Si le film de Robin Campillo nous a tant marqué, c’est en partie grâce à la capacité qu’à le film d’imprimer des affects et des partis pris de mises en scène très forts et contradictoires. 120 Battements par minute porte en lui le poids du deuil de la mort des malades du sida et l’incurie dont a fait preuve les pouvoirs publics, mais ce mausolée a aussi des airs de grand dancefloor. Parce qu’entre deux AG, les vivants s’ébrouent dans l’existence avec une vigueur folle. Ces AG d’Act Up, retranscrites dans un style presque documentaire, sont contrebalancées par des scènes beaucoup plus oniriques, comme une très belle scène d’amour entre deux des principaux personnages ou cette vision de la Seine en rouge sang. B.D.
15 Le Secret de Brokeback Mountain, d’Ang Lee (États-Unis, 2005). Avec Heath Ledger, Jake Gyllenhaal
Après un été miraculeux à Brokeback Mountain, durant lequel deux cow-boys accompagnant du bétail se découvrent passionnément attirés l’un par l’autre, chacun doit retourner à sa vie normée : Ennis et Jack se marient chacun de leur côté, puis se retrouvent, et fuguent ensemble chaque été afin de vivre par intermittence une histoire d’amour que tout interdit. Le désir brutal d’Ennis contraste avec la douceur réconfortante de Jack, dessinant deux trajectoires opposées qui condamnent cet amour mort-né à une fin irrémédiablement funeste. Paul Courbin
14. Saint Laurent de Bertrand Bonello (France, 2014). Avec Gaspard Ulliel, Jérémie Regnier, Louis Garrel
Face à l’amour durable, nécessaire comme dirait Beauvoir, sous forme de pacte quasi industriel, au-delà même du désir sexuel, que Saint-Laurent partage avec Pierre Bergé, le grand couturier vivra au cœur des années 1970 un amour dévorant, passionnel, noir, avec le dandy décadent Jacques de Bascher. La lente sensualité qui unit Ulliel à Garrel le temps d’un échange de drogue par un baiser toxique, raconte à elle seule le feu qui dévore l’artiste, et que seul l’amour de Bergé parviendra à maintenir en vie. P.C.
13. Douleur et Gloire de Pedro Almodóvar (Espagne, 2019). Avec Antonio Banderas, Asier Etxeandia, Leonardo Sbaraglia
C’est un peu le Huit et demi du génie espagnol du cinéma contemporain : l’histoire d’un cinéaste dépressif et vieillissant (joué par un Antonio Banderas, incroyable) qui ne trouve plus l’inspiration. La guérison passera par un retour à l’enfance, mais aussi en réglant des épisodes sentimentaux qui étaient restés inachevés. L’un de plus beaux films d’Almodóvar qui lui permet, sous une apparence autobiographique, partagée entre tristesse et joie, d’évoquer les amours qui ont construit l’homme et l’artiste qu’il est devenu à près de 70 ans. J-B.M.
12. Un chant d’amour de Jean Genet (France, 1950). Avec Java, André Reybaz, Lucien Sénémaud
Unique film réalisé par Jean Genet à l’âge de quarante ans après plusieurs séjours derrière les barreaux et quelques chefs d’œuvres (Notre Dame des fleurs, Querelle de Brest), censuré puis montré sous le manteau, finalement sorti en 1975 soit un quart de siècle après sa réalisation, Un Chant d’amour reste un météore incandescent de l’histoire du cinéma. Où deux hommes, bientôt trois, s’exhibent, se regardent et se touchent dans les cellules d’une prison, entre les murs épais et les queues brandies. Entièrement fixé sur l’idée du fantasme des corps et de l’œil comme organe érotique, ce court-métrage muet a la puissance des premières fois, comme si Genet-cinéaste découvrait la force de ses visions en même temps que ses personnages comprenaient l’étendue de leur désir. Ici, il y a rarement correspondance entre celui qui regarde et l’objet regardé, car le sexe et l’amour bousculent toutes les lois de la représentation. Un choc caressant et excitant. Olivier Joyard
11. Les Chansons d’amour de Christophe Honoré (France, 2007). Avec Louis Garrel, Ludivine Sagnier, Clotilde Hesme
Dans Les Chansons d’amour, des marins sortis de chez Jacques Demy se baladent dans les rues du quartier parisien de Strasbourg Saint-Denis, le même où vit la Angela d’Une femme est une femme de Jean-Luc Godard. Dans ce petit périmètre un trio amoureux est bientôt chaviré par la perte d’un de ses membres et l’arrivée d’un nouveau prétendant. En adorateur de ses idoles de cinéma, Christophe Honoré ressuscite (une nouvelle fois) la Nouvelle Vague, en dépoussière et réactualise les enjeux pour faire éclore, dans la déferlante d’émotions chantées par Alex Beaupain, le refoulé du Jules et Jim de François Truffaut : soit l’amour naissant entre deux garçons. Marilou Duponchel
10. Les Roseaux sauvages d’André Téchiné (France, 1995). Avec Stéphane Rideau, Gaël Morel, Elodie Bouchez
Récit inspiré de la propre jeunesse de Téchiné, Les Roseaux sauvages raconte l’histoire de trois ami·es (joués par Stéphane Rideau, Gaël Morel, Elodie Bouchez, alors débutant·es) qui vont découvrir leur sexualité le temps d’un mariage, puis d’un été, au début des années 1960. Tendu, renoirien, l’un des films les plus libres de Téchiné, plein de grâce, de nervosité et de vigueur. J-B.M.
9. L’Inconnu du lac d’Alain Guiraudie (France, 2013). Avec Pierre Deladonchamps, Patrick D’Assumçao, Christophe Paou
L’un des plus beaux films d’Alain Guiraudie raconte l’attirance d’un jeune homme, Franck, pour un autre homme qu’il sait être un tueur, Michel, puisque, alors qu’il était caché, il l’a vu tuer son propre amant. D’où naît le désir et l’amour parfois, sinon de la peur du danger, de l’attrait pour sa propre mort ? Renoirien, hitchcockien, hédoniste et cru, un thriller plein d’hommes nus, baigné de soleil, d’un soleil si violent qu’il éclaire tout d’une lumière de tragédie grecque. J-B.M.
8. La vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche (France, 2013). Avec Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux
Il suffit parfois d’un regard pour dépoussiérer le vieux monde dans lequel on s’enlise. Quand Adèle rencontre Emma, c’est deux univers qui s’enlacent et se cognent. Celui d’Adèle, lycéenne des classes pop’ en immersion au pays de l’hétérosexualité, et celui d’Emma, qui pratique l’art et les teintures bleutées dans les beaux quartiers. Sur trois heures, Kechiche filme la naissance et la mort d’un amour passionnel avec tout le dépouillement et la lucidité dont il est capable. À l’image de son héroïne mélancolique qui, à la fin, titube dans les rues au rythme de percussions éthérées, on ne peut sortir indemne de La Vie d’Adèle, film empli de soleil et de chagrin. L.C.
7. Je, tu, il, elle de Chantal Akerman (Belgique, 1976). Avec Chantal Akerman, Claire Wauthion, Niels Arestrup
Construit en trois parties, Je tu il elle retrace la trajectoire de Julie, une jeune femme interprétée par Akerman. Après une phase où elle se confine seule dans une chambre où elle mange du sucre tout en noircissant des pages de papier, et une partie passée avec un routier, Julie retrouve une jeune femme et fait l’amour avec elle. Akerman place la caméra à une distance qui permet de voir les corps en entier s’emboîter, se chercher et s’aimer, sans aucun voyeurisme. La séquence dure une douzaine de minutes. Akerman filme le sexe lesbien dans ce qui fait aussi sa spécificité : du sexe sans script, qui ne suit pas un modèle linéaire où l’acte sexuel aurait un début, un milieu et une fin. Ici, faire l’amour avec une femme est un geste qui s’étend et se diffuse, peut être jusqu’à l’infini. Iris Brey
6. Les Larmes amères de Petra von Kant de Rainer Maria Fassbinder (Allemagne, 1972). Avec Margit Carstensen, Hanna Schygulla, Katrin Schaake
La styliste réputée Petra Von Kant rencontre la jeune Karin et sa vie s’en trouve ravagée. Dans un huis clos quasi carcéral, des femmes-vampires dansent une ronde, prédatrices cernées par des mannequins-vitrines démantibulés. L’amour comme travestissement de la volonté de propriété, le désir de l’autre comme feinte à son propre désir d’anéantissement, le couple comme état privilégié de toute sorte de pathologie : ces larmes sont vraiment très amères. Fassbinder a adapté sa propre pièce pour en faire un de ses films les plus foudroyants. Laquelle est régulièrement adaptée au théâtre (en 2015 par Thierry de Peretti), hante le Sils Maria d’Olivier Assayas (la pièce dans le film est une version de Petra Von Kant qui ne dit pas son nom), et a donné lieu récemment à une version masculinisée par François Ozon, Peter Von Kant. J.-M.L
5. Happy Together de Wong Kar-wai (Taïwan, 1997). Avec Leslie Cheung, Tony Leung
Avant et après Happy Together, le cinéma de Wong Kar-wai n’aura raconté que des histoires d’amour entre des hommes et des femmes. Pour ce que l’on en sait, lui-même a connu une vie sentimentale essentiellement straight. Est-ce, comme le suggérait dans une interview aux Inrocks son égérie Maggie Cheung, un signe de l’influence décisive sur le cinéma de WKW de son directeur artistique gay William Chang ? En tout cas, Happy Together est une des deux ou trois plus bouleversantes histoires d’amour entre deux hommes jamais racontées au cinéma. La chronique stridente d’une décomposition conjugale, jusqu’à la séparation. Le ballet désynchronisé d’élans amoureux toujours à contretemps. La poursuite forcenée d’une chimère : celle de la seconde chance, de l’effacement miraculeux de toutes les rancunes, toutes les névroses. “Et si on repartait à zéro ?”, y entend-on comme une litanie. Score final, zéro partout. Mais le match, frénétique et fougueux, était beau. J.-M.L.
4. Carol de Todd Haynes (Etats-Unis, 2015). Avec Cate Blanchett, Rooney Mara
Dans le New-York des années 1950, Thérèse (Rooney Mara), petite employée d’un grand magasin rencontre Carol (Cate Blanchett), grande dame en manteau de fourrure et femme mariée. Un regard suffit pour les river l’une à l’autre. Treize ans après avoir ausculté le sexisme et le racisme d’une Amérique bourgeoise et réactionnaire dans Loin du Paradis, Todd Haynes réinvestit les codes du mélodrame Hollywoodien pour regarder l’homophobie. D’une extrême sophistication et d’un lyrisme enchanteur, Carol fait le récit du miracle de la rencontre amoureuse et donne corps avec une grâce et une émotion inouïe à l’incandescence d’un amour nouveau. M.D.
3. Bound de Lilly et Lana Wachowski (États-Unis, 1996). Avec Gina Gershon, Jennifer Tilly
Premier film des sœurs Wachowski, Bound complète notre podium. Huis clos ultra-stylisé se déployant entre deux appartements mitoyens, le film raconte la façon dont deux femmes éprises l’une de l’autre vont escroquer une bande de truands. Bound est une célébration empouvoirante de l’amour lesbien, de sa capacité à court-circuiter les plus bas instincts du patriarcat. La dernière et sublime réplique du film répond à la toute première scène, en détourne l’esthétique SM : le bounding serait ainsi non pas ce qui attache, nous entrave, mais ce qui nous relie. B.D.
2. Mulholland Drive de David Lynch (États-Unis, 2001). Avec Naomi Watts, Laura Harring
À ce jour, l’un des plus beaux films au monde, par chance, est aussi la plus belle histoire d’amour entre deux femmes. Mulholland Drive ou le film par excellence du slow-burn lesbien, de la dévoration lente. S’il faut se mettre d’accord au moins sur une chose concernant un film où la multitude des discours adore s’égarer avec la clé (et le trousseau), c’est sur sa parfaite linéarité de drame amoureux. Début, milieu, fin: le trouble fou, la déclaration d’amour de Betty à Rita, charnelle et chuchotée dans l’effroi obscur d’un baiser, enfin le dernier acte de la tragédie, l’amour trahi et la mort au long surplomb. Grand film tragique, Mulholland Drive est en quelque façon le Vertigo des temps modernes, lesbien au bout du « conte », film dans lequel l’énigme est passée corps et biens du côté de qui regarde jusqu’au vertige: le voyeur n’est plus Scottie-Stewart mais, de l’autre côté du rideau, le spectateur lui-même, les spectatrices elles-mêmes, Betty, Rita, emprisonnées dans le grand mystère – de l’amour des femmes. Lynch a signé là son « film-émotion » (emotion picture, genre lynchien en soi) le plus violemment épris et lyrique. Betty et Rita se cramponnent l’une à l’autre, en boucle et pour toujours. Silencio résonne de l’écho murmuré : I love you. Camille Nevers
1. My Own Private Idaho de Gus Van Sant (États-Unis, 1991). Avec River Phoenix, Keanu Reeves, Udo Kier
Durant un voyage de l’Oregon à l’Idaho, Mikey et Scott s’arrêtent pour dormir à la belle étoile. Autour d’un feu de camp, ils échangent sur leur vie d’escort boys. Scott (Keanu Reeves) dit qu’il ne fait du sexe avec des hommes que pour l’argent, que deux gars ne peuvent pas s’aimer. Recroquevillé comme un chétif oisillon, Mikey (River Phoenix) dit qu’il ne sait pas, enfin si, il sait : là, par exemple, il aimerait embrasser Scott même s’il n’était pas payé. Et dans les circonvolutions d’une longue phrase, mots sitôt jetés sitôt avalés, il glisse : “I love you”, sans jamais cesser de fixer le feu, tête baissée, comme si après cet aveu, il redoutait désormais que le ciel s’effondre, que la terre craquelle et l’engloutisse. Scott encaisse la révélation. Puis lui ouvre ses bras, adjoint Mikey de s’y lover. Ils s’étreignent, le câlin est long et la scène se suspend. Dans le monde brutal de My Own Private Idaho, le réconfort est peut-être ce qui peut advenir de plus juste. Comme dans la plupart des films au sommet de ce top, le sentiment ici n’est jamais parfaitement symétrique. L’amour fait mal, comme ailleurs. Mais peut-être un peu moins qu’ailleurs. Car la bienveillance et la douceur sont finalement plus fortes que la férocité du monde. Et la scène autour du feu de My Own Private Idaho demeure une des plus belles jamais filmées. J.-M.L.
{"type":"Banniere-Basse"}