Pour animer vos vacances de Noël, un petit top 100 de nos films des années 1980, découpé en tranches jusqu’à vendredi. Aujourd’hui, de 75 à 51, avec Bruce Willis pieds nus en marcel, un homme qui brûle sa maison pour remercier Dieu, des marins qui se sodomisent et Catherine Deneuve en immortelle.
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75. Une affaire de femmes de Claude Chabrol (France, 1988). Avec Isabelle Huppert, François Cluzet
Claude Chabrol et Isabelle Huppert dressent le portrait de Marie Latour, une des dernières femmes à avoir été guillotinée (après avoir été dénoncée par son mari…) en France, bien sûr sous Pétain, pour avoir aidé des femmes à avorter. Un portrait magnifique, dur (elle n’a rien de sympathique) et humain qui valut à Isabelle Huppert un prix d’interprétation au Festival de Venise 1988. Signalons qu’Isabelle est l’interprète féminine la plus présente de ce top avec cinq films classés (dont deux dans les dix premiers!). J.-B.M.
74. Bianca de Nanni Moretti (Italie, 1983). Avec Laura Morante, Nanni Moretti, Claudio Bigagli
Après des débuts plus autofictionnels, Moretti emmène pour la première fois son personnage de Michele Apicella sur des terrains de genre. Dans Bianca, il mêle le thriller réaliste et l’étude sociologique à travers un professeur de mathématiques arrivant dans une petite ville où il va laisser libre cours à ses tendances voyeuristes (pas forcément concupiscentes : il aime juste observer), et devenir une petite personnalité amusante et variablement appréciée, mais aussi le suspect idéal d’une série de meurtres. Drôle, intelligent, vénéneux comme son auteur. T.R.
73. Stranger Than Paradise de Jim Jarmusch (États-Unis, 1984). Avec John Lurie, Eszter Balint
Comme bon nombre de personnages du cinéma de Jim Jarmusch, les trois héros de chaque segment de Stranger Than Paradise, son deuxième film, s’ennuient. Bela et Eva vivent ensemble et rencontrent Eddie, puis Bela s’en va et Eddie et Bela finissent par la rejoindre, avant qu’ils ne décident finalement de partir ensemble en Floride. On y retrouve ce qui caractérisera par la suite le cinéma de Jarmusch. Des films à la fois statiques et toujours en mouvement, centrés sur des figures de dandy marginaux, désabusés et vivant dans une forme d’ascèse. B.D.
72. Les Prédateurs de Tony Scott (Royaume-Uni, 1983). Avec Catherine Deneuve, David Bowie, Susan Sarandon
Adaptation du roman éponyme de Whitley Strieber et l’une des quatre apparitions de Deneuve dans ce classement, Les Prédateurs, tout premier film de Tony Scott, est l’un des plus beaux films de vampire jamais réalisés. Les vampires prennent ici l’apparence du couple ultra-glamour David Bowie et Catherine Deneuve, tous deux au sommet de leur beauté et incarnation d’une sexualité fluide avant l’heure. Alors que des recherches scientifiques tentent de percer le mystère de l’immortalité, le vampire joué par le roi de la pop est rattrapé par le temps ; sa compagne se cherche alors un nouveau partenaire. Le style baroque, la déco immémoriale de l’appartement du couple, leurs costumes signés Saint-Laurent, la mise en scène tout en clair-obscur et teintes froides de Scott concourent à faire de ces Prédateurs un film sublime. B.D.
71. Dressé pour tuer de Samuel Fuller (États-Unis, 1982). Avec Kristy McNichol, Paul Winfield, Burl Ives
Dressé pour tuer raconte la tentative de guérison d’un chien blanc, élevé pour tuer les personnes noires. Avec cette libre adaptation du roman de Romain Gary, Samuel Fuller réalise une charge antiraciste d’une force inouïe et exorcise les démons d’une Amérique qui en interdira sa diffusion durant vingt-cinq ans. M.D.
70. Paris, Texas de Wim Wenders (Allemagne, 1984). Avec Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski
Palme d’or à Cannes en 1984, Paris,Texas est le second film que Wenders réalise sur le sol américain après Hammett (1982). On y entre par une marche sans but à travers le désert, où déambule hagard son personnage principal. Le film se clôt sur de sublimes retrouvailles à travers une vitre sans tain. Beau film sur l’élasticité du temps et sur les mots qui n’arrivent pas à sortir, Paris, Texas est aussi la seconde apparition de Wenders dans ce classement, après les Ailes du désir, réalisé trois ans plus tard. B.D.
69. L’Empire du soleil de Steven Spielberg (États-Unis, 1987). Avec Christian Bale, John Malkovich, Miranda Richardson
En 1941, James Graham, petit Christian Bale, mène une vie de rêve dans un Shanghai privilégié et occidentalisé jusqu’à ce que la guerre ne fasse irruption. Adapté du roman éponyme de J.G Ballard, L’Empire du Soleil, comme la plupart des films de Spielberg, est un film sur l’enfance et son héroïsme, redéployé ici dans les codes du film d’aventure et de guerre, révélant la violence et l’absurdité des hommes. M.D.
68. Elephant Man de David Lynch (États-Unis, 1980). Avec John Hurt, Anthony Hopkins, Anne Bancroft
Trois ans après Eraserhead, déambulation hypnotique à la croisée du fantastique et de la body horror, et six ans avant l’opaque et immense Blue Velvet (qu’on retrouvera plus haut dans ce classement), David Lynch signait avec Elephant Man un film en apparence plus classique, mais qui contenait en lui nombre des figures lynchiennes à venir. L’histoire déchirante de John Merrick, être difforme et monstre de foire, soumis aux regards horrifiés des badauds et à la cruauté des humains. Un grand film sur le regard qu’on porte à l’autre, sur la monstruosité qui s’étiole et l’humanité qui se dévoie, jusqu’à nous terrasser dans un final bouleversant. L.M.
67. Pale Rider, le cavalier solitaire de et avec Clint Eastwood (États-Unis, 1985)
Au cœur des années 1980, le western a déserté Hollywood. Son âge classique est révolu depuis plus de vingt ans. La vogue de sa déconstruction parodique (avec Sergio Leone en chef de file) s’est étiolée à la fin de la décennie précédente. Bien qu’issue de la seconde catégorie, Eastwood prolonge seul le genre en faisant souffler un vent glacé et spectral sur ses figures totémiques. Le western ne subsiste plus que comme ghost story et Clint lui-même n’en finit pas de se contempler en beau fantôme. J.-M.L.
66. Les Gens de Dublin de John Huston (États-Unis, Royaume-Uni, 1987). Avec Anjelica Huston, Donal McCann
Sous prétexte que le film est le dernier réalisé par John Huston et qu’il y est question de la mort, on en a évidemment tout de suite fait un film testamentaire. Adaptation d’une célèbre recueil de nouvelles de James Joyce, écrite quand il avait 25 ans et qui stupéfie par sa maturité. Le dernier quart d’heure du film est absolument sidérant de beauté. Et Anjelica Huston aussi. J.-B.M.
65. Querelle de Rainer Werner Fassbinder (Allemagne, 1982). Avec Brad Davis, Jeanne Moreau
C’est par cette adaptation hautement stylisée du Querelle de Brest de Jean Genet que se clôt l’œuvre profuse de Fassbinder. Le prodige meurt à 37 ans quelques semaines avant la présentation du film au festival de Venise. Dans des décors de studio ostentatoirement faux, dans une lumière orange entre Blade Runner et un clip de Duran Duran, des marins s’étreignent avec vigueur avant de se battre au couteau. Fassbinder dédouble des personnages de Genet, organise un fascinant ballet de doubles et de miroirs et rend de façon particulièrement incarnée la matière même du fantasme. J.-M.L.
64. La Folle Journée de Ferris Bueller de John Hughes (États-Unis, 1986). Avec Matthew Broderick, Alan Ruck, Mia Sara, Jennifer Grey
Moins connu que Breakfast Club du même John Hughes, totalement à part dans la légende du teen movie 80s, Ferris Bueller ne raconte aucune angoisse de la première fois, aucun calvaire du bullying, aucun frisson de bal de promo. L’adolescence n’y est pas l’âge de la fragilité mais de la force, et d’une liberté sans limites et triomphante, incarnée par un lycéen qui décide un beau jour de sécher la classe et de passer la meilleure journée de sa vie. Un film de winner magnifique, formidablement jouissif et ambigu, aussi insurrectionnel que reaganien. T.R.
63. Toute une nuit de Chantal Akerman (Belgique, France, 1982). Avec Aurore Clément, Tchéky Karyo
Si un réalisateur était en panne d’inspiration pour une scène, qu’il lui manquait un geste, un regard, une façon de se dire au revoir, ou de pleurer, ou de s’embrasser, n’importe quoi, alors il n’aurait pas mieux à faire que de voir ou revoir Toute une nuit, véritable catalogue de gestes qui empile, par une nuit d’orage à Bruxelles, des centaines de moments de quelques secondes à peine, fragments d’histoires qui mériteraient toutes sûrement un film à elles que l’on ne fera que deviner, dans un immense et vibrant tournoiement de tragédies entrevues. T.R.
62. Breakfast Club de John Hughes (États-Unis, 1985). Avec Judd Nelson, Molly Ringwald, Emilio Estevez
Dans un lycée, cinq ados sont collé·es et doivent répondre à l’étroitesse d’esprit d’une question de dissertation : “Qui pensez-vous être ?” Quintessence du teen movie reconfiguré en huis clos, Breakfast Club convoque les stéréotypes du genre (le geek, le voyou, la jeune fille…) pour mieux les tordre et fait advenir le triomphe du groupe et de ses individualités contre le conformisme et la tristesse du monde adulte. M.D.
61. RoboCop de Paul Verhoeven (États-Unis, 1987). Avec Peter Weller, Ronny Cox, Kurtwood Smith, Miguel Ferrer, Nancy Allen…
Dans ce film de science-fiction, Paul Verhoeven met en scène une société dominée par la violence, dont les dirigeants comptent substituer des robots policiers impitoyables mais sans conscience à un super justicier ancien flic qui a bien failli mourir. Réjouissant, très “cartoonesque” et d’une lucidité critique. J.-B.M.
60. Hannah et ses sœurs de Woody Allen (États-Unis, 1986). Avec Woody Allen, Dianne West, Mia Farrow
Avec Hannah et ses sœurs, Allen approfondit, une fois de plus, son étude du genre humain (et plus particulièrement celle d’une élite culturelle new-yorkaise) et des rapports hommes-femmes, via le portrait éclaté de trois sœurs, toutes liées à des hommes, plus ou moins lâches, plus ou moins hypocondriaques. Une comédie humaine amère et savoureuse. M.D.
59. Shoah de Claude Lanzmann (France, 1985)
Le film définitif sur l’histoire de l’extermination des juifs par l’Allemagne nazie. Sans, c’est volontaire, aucune image d’archives, Claude Lanzmann filme les anciens nazis, les rescapés des camps d’extermination et les ruines de ces lieux de mort, souvent redevenus de simples champs. Un document d’une puissance inouïe. J.-B.M.
58. Le Sacrifice d’Andreï Tarkovski (Suède, Royaume-Uni, France, 1986). Avec Erland Josephson, Susan Fleetwood, Valérie Mairesse
Film testamentaire de Tarkovski (qui meurt l’année de sa sortie), Le Sacrifice est présenté à Cannes (où il décroche le Grand Prix du jury) en mai 1986, trois semaines après la catastrophe de Tchernobyl. Hasard calendaire ou film divinatoire, il est question dans Le Sacrifice d’une catastrophe nucléaire, d’une fin du monde intime, d’une méditation sur la mort et la finitude de l’homme, comme un prolongement aux interrogations métaphysiques qui occupaient déjà Stalker, sorti cinq ans plus tôt, et qui, en un sens, prophétisait déjà la catastrophe à venir, avec sa zone mystérieuse aux propriétés inconnues abandonnée du jour au lendemain. Film forcément funèbre, hanté par Nietzsche et la mort qui guettait son auteur, Le Sacrifice sait aussi, par endroits, saisir la lumière, et s’impose comme le chant du cygne bouleversant d’un cinéaste visionnaire. L.M.
57. De bruit et de fureur de Jean-Claude Brisseau (France, 1988). Avec Bruno Cremer, François Négret
Le troisième long-métrage de Brisseau est sans doute l’un des plus grands films jamais réalisés sur la banlieue française, en l’occurrence celle de Bagnolet. Son paysage au mitan des années 1980 n’a guère évolué. On y croise déjà violence, exclusion, échec scolaire, délinquance et pauvreté. Et un petit bonhomme de treize ans qui la traverse avec la tête dans les nuages : Bruno, son oiseau fabuleux et son imaginaire sans limite. Avec ce film, Brisseau scelle un mariage que le cinéma français peine tant à prononcer ; celui du film social et du film fantastique, du néoréalisme d’un De Sica avec la poésie d’un Cocteau. B.D.
56. Aux frontières de l’aube de Kathryn Bigelow (États-Unis, 1987). Avec Adrian Pasdar, Jenny Wright
Le premier film en solo de la cinéaste américaine réinvente la mythologie du vampire en faisant de ces créatures de la nuit des punks magnifiques, mi-bikers, mi-clodos. Les vampires y restent cependant l’épicentre du déchaînement des passions, du sexe, du crime et de la violence. Entre teen movie et néo-western horrifique, Bigelow met en scène l’attrait du vice et le choix de la vertu, caractéristique de son cinéma, à commencer par son film culte Point Break (1991). Mais derrière ce dilemme moral se cache une lame de fond plus retorse. À mesure que le film avance, il se fait moins romantique et plus rugueux. Jusqu’à une scène de bar où les vampires se livrent à une orgie d’hémoglobine. B.D.
55. Terminator de James Cameron (États-Unis, 1985). Avec Arnold Schwarzenegger, Linda Hamilton
Jusque là Schwarzenegger était plutôt casté en homme primitif (Hercule, Conan, Kalidor), colosse bestial aux muscles saillants sous les amas de fourrures. L’intuition forte de James Cameron est de l’extraire de l’espèce humaine pour en faire une machine. Un corps du futur à côté duquel tous les corps humains paraissent souffrir d’arriération. Le jeu à la fois limité mais finement stylisé de l’acteur trouve son bon objet avec cette figure de robot défini par un seul subjectif (éliminer). Et le jeune James Cameron trouve dans la sculpturale musculature de Schwarzie le support idéal à ses rêveries d’humanité augmentée. J.-M.L.
54. Police fédérale Los Angeles de William Friedkin (États-Unis, 1985). Avec William Petersen, Willem Dafoe, John Pankow
Premier grand rôle de méchant d’un certain Willem Dafoe, To Live and Die in L.A. (c’est quand même plus beau et tragique que le titre VF) voit William Friedkin revenir aux affaires du film de gangster dix ans après French Connection. Il s’offre une éclatante résurrection polar dans des eighties clinquantes dont la pleutrerie, la vulgarité et le culte permanent des apparences ne sont pas sans commenter l’émergence concurrentielle du jeune Michael Mann (qui fera même un procès pour plagiat, qu’il perdra). T.R.
53. Piège de cristal de John McTiernan (États-Unis, 1988). Avec Bruce Willis, Alan Rickman
La décennie de Schwarzie et Stallone touche à son terme ; l’entertainment pyrotechnique a besoin de nouvelles formes plus légères et de nouveaux visages masculins. Ce sera celui de John McClane, héros relatable avec sa calvitie naissante, ses ennuis conjugaux et sa musculature pas trop surhumaine. Bruce Willis n’est connu que pour une série comique (Clair de lune) ; il va conjuguer son tempérament roublard et sa voix madrée (les Français découvrent celle de son doubleur Patrick Poivey, limite encore meilleure) et inventer le cinéma d’action des années à venir. T.R.
52. Blade Runner de Ridley Scott (États-Unis, 1982). Avec Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young
Visions lénifiantes d’un Los Angeles futuriste et lugubre, déambulations fiévreuses dans des ruelles fumantes, nappes sonores hypnotiques de Vangelis… Blade Runner est un grand film sensoriel, parfois à la frontière de l’expérimental, un faux blockbuster, planant et longuement mutique. Première adaptation de Phil K. Dick qui ouvrira la voie à bien d’autres, le film de Ridley Scott consiste en un lent effritement de la réalité et de la frontière ténue qui sépare les humains des androïdes, jusqu’au vertige ontologique en forme d’interrogation descartienne : existe-t-on si on pense ? Et surtout – les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? L.M.
51. Travail au noir de Jerzy Skolimovski (Royaume-Uni, 1982). Avec Jeremy Irons
À la marge de l’action politique de Solidarność et de son opposition fructueuse au régime politique polonais, l’exilé à Londres Skolimovski tourne une fable politique cinglante. Quatre ouvriers polonais travaillent à la rénovation d’une demeure londonienne sous la férule d’un contremaître aux agissements de plus en tyranniques. L’exploitation capitaliste et le fonctionnement des dictatures se superposent dans une réflexion très âpre sur la liberté et le travail. Le film obtient le prix du scénario au festival de Cannes 1982 (un an après la Palme d’or de L’Homme de fer d’Andrzej Wajda). J.-M.L.
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