Un mois avant le déroulement de la cérémonie, les nominations des César 2012 sont tombées aujourd’hui (voir la liste officielle des nominations). S’y esquisse le portrait œcuménique d’un cinéma français apte à joindre ses extrêmes, du colosse Intouchables au poids plume presqu’expérimental Pater. Souvent par le passé, les César se sont faits l’apôtre d’un cinéma du […]
Un mois avant le déroulement de la cérémonie, les nominations des César 2012 sont tombées aujourd’hui (voir la liste officielle des nominations). S’y esquisse le portrait œcuménique d’un cinéma français apte à joindre ses extrêmes, du colosse Intouchables au poids plume presqu’expérimental Pater.
Souvent par le passé, les César se sont faits l’apôtre d’un cinéma du milieu, se méfiant à la fois des blockbusters (Bienvenue chez les Ch’tis et Les petits mouchoirs, entre autres triomphes publics, y ont été ignorés) et des échecs publics, au profit de succès « à taille humaine », films d’auteur mais à vocation populaire (Kechiche, Audiard, Beauvois…).
Des 20 millions de spectateurs d’Intouchables au 150 000 de Pater, l’élastique n’a jamais été à ce point tiré entre deux pôles éloignés du cinéma français. Même si en bout de course, ni Intouchables, ni Pater ne partent favoris dans la course.
The Artist (11 nominations) et Polisse (13 nominations) sont davantage attendus sur le podium. Et on imagine assez bien une doublette The Artist meilleur film et Maiwen meilleure réalisatrice. La compétition est en tout cas assez ouverte, puisque L’exercice de l’Etat de Pierre Schoeller et La guerre est déclarée bénéficient aussi d’une grosse côte d’affection dans la profession. A ces six titres, il faut ajouter encore Le Havre de Kaurismaki pour boucler la liste des nommés dans la catégorie meilleur film.
Chez les acteurs, on attend un duel Jean Dujardin/Omar Sy, tandis que la statuette de la meilleure actrice pourrait bien récompenser une des fliquettes de Polisse (Marina Fois ou Karin Viard). Deux catégories où les nominations sont particulièrement injustes : Denis Podalydès nommé pour la ridicule pantomime de La conquête plutôt que l’autrement plus convaincant Vincent Lindon dans Pater (où Cavalier était génial également comme acteur) ; ou encore l’absence regrettable de Chiara Mastroianni, magnifique dans Les bien-aimés (seule la musique d’Alex Beaupin remporte une nomination pour le beau film de Christophe Honoré). Et aussi celle de Michel Piccoli, prodigieux dans Habemus papam, jamais récompensé aux César, même pas courronné pour l’ensemble de sa carrière par un César d’honneur.
Certes le film de Moretti est considéré comme un film étranger ce qui peut expliquer l’absence de nomination de Piccoli. Et en même temps, les César d’honneur depuis quatre ans ne récompensent plus que des stars hollywoodiennes (Dustin Hoffman, Meryl Streep, Kate Winslett cette année…), qui certes méritent d’être louangées mais pas à l’exclusion de toutes autres nationalité. L’absence de Piccoli dans une catégorie (meilleur acteur) comme l’autre (celles des comédiens récompensés pour l’ensemble de leur œuvre) est en tout cas ahurissante.
Au rayon des injustices, on ne s’explique pas que l’excellent Tomboy soit absent de toutes les catégories (il faudrait quand même que les votants voient les films, même ceux sans acteurs connus, réalisés par de très jeunes cinéastes). Et on ne comprend pas très bien que le meilleur film de l’année haut la main, L’Apollonide de Bertrand Bonello, soit nommé sept fois, mais pas en meilleur film ni en meilleur réalisateur (Intouchables, c’est mieux filmé que L’Apollonide, sérieux ?).
La cérémonie se déroulera le vendredi 24 fevrier. Le président en est Guillaume Canet et le maître de cérémonie Antoine de Caunes.
Jean-Marc Lalanne
PS : Un mot enfin pour Thomas Langmann, producteur de The Artist, qui a déclaré cette semaine sur Yahoo ! qu’il emmerdait les Inrocks. Non pas parce que nous n’aimions pas le film de Michel Havazanicius : nous l’aimons et n’avons publié sur lui que des articles élogieux, dont celui, à sa sortie, de Jean-Baptiste Morain. Non, ce qui tourmente Thomas Lagmann, c’est que le film ne figurait pas dans le top 20 de nos films préférés à la fin de l’année. Thomas Langmann accorde beaucoup d’importance à un journal dont il prétend pourtant qu’il « ne vend que dix magazines par semaine » et traite sa rédaction « de petits bonhommes qui se prennent pour des grands messieurs » (LOL), si le non-classement de son film provoque une vexation que dix nominations aux oscars et onze aux César ne sauraient apaiser. Merci de tant de considération.