Les nominations de la 38e édition des César viennent de tomber. Une liste qui met à l’honneur un cinéma « du milieu », ni très pointu, ni trop populaire.
La profession a-t-elle voulu avaliser la vindicte de Vincent Maraval (auteur de la fameuse tribune publiée en décembre dernier dans Le Monde s’en prenant aux salaires des acteurs français et à la dispendieuse logique de production). Le cinéma français poids lourds, les films à plus de 15 millions d’euros font pâle figure dans les nominations de la prochaine cérémonie des César.
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Le prénom est la seule comédie populaire nommée dans la catégorie Meilleur film et vaut même à Patrick Bruel sa première nomination en Meilleur acteur. Jamel Debbouze, en revanche, est plutôt bonne pâte d’avoir accepté de présider une cérémonie, qui a par ailleurs boycotté son hit de l’année, Sur la piste du Marsupilami. De façon assez logique, les autres mammouths de l’année, plus mauvais les uns que les autres, du dernier Asterix a l’atroce Plan parfait, ont été écartés. Même le plus présentable Populaire se contente de faire de la figuration dans des catégories subsidiaires.
Le cinéma « du milieu » à l’honneur
Les films élus dans les principales catégories viennent donc de cette terre du cinéma français dite « du milieu ». A savoir celle d’un cinéma d’auteur plutôt confortablement produit, visant quelques centaines de milliers de spectateurs. Nettement au-dessus de cette jauge, on retrouve l’indéboulonnable Jacques Audiard, dont De rouille et d’os rafle encore 9 nominations : meilleur film, réalisateur, actrice (Marion Cotillard) alors que Matthias Schoenaerts doit se contenter d’un Meilleur espoir masculin (qu’il est du coup a peu près sûr d’obtenir). Audiard a déjà fait carton plein sur ses deux précédents films (De battre mon cœur s’est arrêté et Un prophète). Une troisième victoire consécutive semble improbable.
Un peu en-dessous de la jauge de ces centaines de milliers d’entrées constituant le ticket d’entrée aux César, il y a Holy Motors, et c’est une belle surprise. Carax avait jusque-là toujours été snobé par les César, jamais nommé en Meilleur film ou Meilleur cinéaste. Malgré le faible succès public de son dernier film, la profession n’est pas totalement passée cette fois à côté du plus grand film français de l’année. Ce qui donne neuf nominations aussi pour Holy Motors et un scandale réparé : la nomination pour la première fois en Meiileur acteur de Denis Lavant (pour Mauvais sang et Les Amants du Pont-Neuf, seule la star Binoche avait été nommée).
En plein dans le milieu donc, ces films d’auteurs qui marchent et réunissent entre 500 000 et 800 000 entrées : Les Adieux à la reine de Benoît Jacquot (première nomination de ce pourtant prestigieux cinéaste dans la catégorie Meilleur film et Meilleur réalisateur), Camille redouble de Noémie Lvovski (qui, cité 13 fois, prend la tête des nominations), Amour de Michael Haneke, toujours favori.
Duel de seniors
Chez les acteurs, le couple d’Amour devrait là encore triompher. Jamais récompensé aux César (!), Jean-Louis Trintignant semble imbattable. Chez les actrices, Emmanuelle Riva devra faire face a une autre senior en phase critique, Hélène Vincent dans Quelques heures de printemps : l’accident cérébral semblait cette année le seul passeport pour un César de la meilleure actrice. Dans cette catégorie, on se réjouira de la première nomination de Léa Seydoux pour Les Adieux à la reine, tout en regrettant l’absence de sa partenaire Diane Kruger.
Mais c’est quand on se tourne vers les nominations du Meilleur film étranger que la défiance envers l’industrie (principalement hollywoodienne) et la valorisation de l’art et essai est encore plus marquée. Oslo 31 août, Laurence Anyways, A perdre la raison, Bullhead… figurent parmi les nominations. Le très discutable Argo de Ben Affleck est le seul représentant du cinéma américain (ce qui paraît un peu court : on aurait mieux vu Looper ou Moonrise Kingdom). Tabou de Miguel Gomes est bizarrement absent de la catégorie et c’est impardonnable. C’est l’injustice majeure de nominations, par ailleurs plutôt satisfaisantes.
La cérémonie se déroulera le 22 février prochain et sera présentée as usual par Antoine de Caunes.
Jean-Marc Lalanne
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