Film troublant et rare, “Noir et Blanc” de Claire Devers est de retour au cinéma depuis le 8 février dernier. Avec ce premier long métrage sorti en 1986, la cinéaste ausculte l’éveil d’un homme pour le sadomasochisme. Longtemps resté invisible, le film ressort en version restaurée, l’occasion de (re)découvrir cette pépite des années 1980.
Dans un Paris grisâtre, Antoine, interprété par Francis Frappat, rythme sa vie entre la chorale, son couple et son travail de comptable. Son quotidien est rodé jusqu’à ce qu’il obtienne une mission dans un centre sportif où il rencontre un masseur, Dominique, incarné par Jacques Martial. Un lien se tisse lentement entre les deux hommes, et les séances de massage révèlent chez Antoine un goût pour la douleur.
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Tourné en 16mm et en noir et blanc, le film de Claire Devers se démarque aussitôt par sa mise en scène clinique et son rejet du psychologisme. Avec ce premier coup d’essai, Claire Devers, alors tout juste diplômée de l’IDHEC (L’Institut des hautes études cinématographiques, aujourd’hui appelée la Fémis), est remarquée par la critique et obtient la Caméra d’or au Festival de Cannes en 1986.
Une vague de noir et blanc
À la manière d’un funambule, le film progresse sans jamais tomber dans les écueils ou la caricature liée au SM. Fouets, bondage et autres gadgets sont proscrits, Claire Devers s’attarde plutôt sur la brutalité des gestes jusqu’à l’acmé. Si l’image explicite la recherche de la douleur, les sons hors-champ laissent entendre la jouissance. Il ne s’agit pas d’un dérobement de la part de la cinéaste, mais plutôt une autre manière de nous signaler le plaisir autrement que par l’image.
Les années 1980 marquent également le retour du noir et blanc au cinéma et le film de Claire Devers s’inscrit dans cette nouvelle vague parmi lesquels figurent Boy Meets Girl (1984) de Leos Carax, Mala Noche (1985) de Gus Van Sant ou encore Stranger than paradise (1984) de Jim Jarmusch. Outre son esthétique propre à cette époque, Noir et Blanc esquisse les contours d’une génération engoncée dans sa routine. En découvrant le sadomasochisme, Antoine s’extrait à la fois de sa vie conjugale et de sa carrière professionnelle.
Trente-sept ans après sa sortie, Noir et Blanc garde toute sa singularité et Claire Devers nous confie une promesse de cinéma âpre et sans artifice. En explorant le sadomasochisme et l’ambiguïté des sentiments, la cinéaste politise le désir comme seul exutoire à la monotonie. Car ce que le film propose n’est rien d’autre qu’une évasion au conformisme pour découvrir une autre façon de jouir.
Noir et Blanc de Claire Devers, à (re)voir en salles depuis le 8 février
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