Noël Herpe, homme aux multiples talents, et sa mère sont le sujet d’un documentaire aux airs de psychanalyse sauvage.
Vous ne connaissez peut-être pas Noël Herpe ? Ce serait un grand dommage. Critique de livres et de cinéma, essayiste, historien, commissaire d’exposition (un mémorable Sacha Guitry à la Cinémathèque en 2007), romancier talentueux (Les Films me regardent, Hémisphères, 2021), acteur et réalisateurs de films excitants : entre autres, Fantasmes et Fantômes (2017) et La Tour de Nesle ( 2021).
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Mais ce foisonnement n’est que la surface d’un bouillonnement plus discret et non moins attachant. Noël et sa mère, documentaire du romancier Arthur Dreyfus, a le premier mérite de s’intéresser à cette personne qui peu à peu devient un personnage. Avec la distance requise et cependant une proximité qui n’est pas seulement amicale mais cinématographique.
Objet cinématographique non identifié
Dispositif simple et idoine : Noël Herpe (52 ans) et sa mère Michelle Herpe-Voslinsky (77 ans), filmés pas trop près mais tout en corps et en voix, dans une pénombre propice aux confidences, sur fond noir ou sur la scène d’un petit théâtre (of course de la cruauté). Et c’est parti pour 90 minutes de dialogues et parfois de silences, entrecoupés de documents promus en archives : des photographies de Noël et de sa mère à différents âges de leur vie, des extraits des films de Noël Herpe.
Mais c’est quoi ce truc génialement impur ? Un essai de psychanalyse sauvage (parfois très bestiale) ? Une boîte noire qui aurait enregistré les causes d’un crash familial ? Un grand déballage œdipien au plein soleil de la quasi fiction ? Une cage de Faraday (ça fait des étincelles) qui se métamorphose en cage aux folles mais revisitée par Copi ? Tout ça à la fois. Comme une sorte de grand écart, donc de saut dans le vide, entre le Qui a peur de Virginia Woolf ? de Mike Nichols, version mère/fils (couple apparemment fusionnel jusqu’au risque de l’explosion), et le Elle et lui de Léo McCarey lorsque surgissent de piquantes pointes d’amour vache.
Quel le problème qui les unit autant qu’il les sépare ? À grands traits et classiquement, car la doxa psy est devenue un classique. Fiston : “Vilaine maman, tu ne m’as jamais beaucoup témoigné d’affection.” Maman : “Méchant garçon et gros menteur, tu dis n’importe quoi !”
La douce folie est dans le pré
Mais un étrange humour vient chambouler ce “drame”. La mère Michelle (eh oui, l’amère Michelle…) qui joue du sofa où elle est installée pour le transformer en un divan freudien dont elle serait la diva, nouvelle Marie Bonaparte. Le fils Noël (eh oui, il n’y pas que le père…), lorsqu’il précise à propos de sa passion pour les collants de femmes qu’il aime porter, qu’il n’est pas homosexuel bien qu’attiré par les hommes, “parce que dans homosexuel, il y a sexuel” et que lui, non merci !
Mais qui détient le pouvoir dans ce huis clos qui tourne parfois très vinaigre, les deux protagonistes, tour à tour, menaçant de se casser ? Le charme de ce documentaire c’est que justement le pouvoir, la maîtrise, la domination, voire le mistigri de la vérité sont comme des talismans incandescents qui passent, brûlant des uns aux autres (y compris dans les mains du cinéaste Arthur Dreyfus et sa petite équipe dont on sent que eux aussi ont parfois l’envie de tout laisser tomber), sans qu’on ne sache jamais, et heureusement, qui en est le propriétaire. Une douce folie est dans ce pré. Cours-y vite, il va filer.
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