Les années 50, l’enfance, la ruralité et pourtant un bon film, aux antipodes des « Choristes ».
Quand un film français nous propose un énième retour dans les années 50 via la figure angélique d’un p’tit gars en culottes courtes, on est en droit, vu les antécédents, de craindre le pire : une esthétique publicitaire nostalgique et franchouillarde dégoulinant de bons sentiments. Détrompons-nous, rien n’est plus éloigné de l’esprit magique du film d’Henry Colomer, qui redonne ici à l’enfance sa place la plus belle sur un écran. Ou comment l’enregistrement du monde par un enfant constitue la forme originelle du cinéma, à la fois sa source d’inspiration la plus riche et son mode de réception le plus enchanté, pour reprendre une vieille rengaine cinéphile. Si le noir et blanc de Nocturnes comme son chapitrage font au début un peu peur tant ils paraissent un poil appliqués, le film parvient à se détourner des sentiers lisses du papier glacé et de l’illustration littéraire pour nous conduire peu à peu vers des rivages davantage mystérieux qui nous rappellent l’éclairage mi-féerique, mi-crépusculaire de La Nuit du chasseur. Il faut dire que la lumière occupe ici une place de premier ordre, à la fois forte et fragile, évoquant les lanternes magiques de l’enfance, des commencements, et soulignant aussi l’épaisseur de l’obscurité environnante. D’ailleurs, Nocturnes ressemble à une constellation, avançant au gré de motifs étoilés. C’est d’abord dans le décor rudimentaire d’une ferme que le regard perçant d’un petit garçon, tout en distance interrogative, nous conduit. Les silences pesants de ses parents nous disent que la vie y est dure, mais la musique chaleureuse de la langue catalane parlée par sa famille nous révèle aussi que cette violence n’a pas encore percé le monde de l’enfance, bercé de doux rêves. De belles associations d’images et d’idées traversent le film, comme ce moment où le petit garçon parle de la lune avec un des ancêtres de sa famille et que le visage creusé de rides de la vieille femme, telle une photo de Mario Giacomelli, semble parfaitement représenter le paysage lunaire. La froide réalité gagne du terrain dans la vie de l’enfant quand le père décidera, pour sortir de sa misère, de s’engager dans l’armée et d’emmener sa famille dans une Algérie en guerre. Les rêves trouveront quant à eux d’autres résonances dans le monde à travers diverses avancées technologiques plus ou moins heureuses. Belle extension, relayée par des images d’archives, qui participe au rayonnement astral de ce film modeste et intime, totalement hors modes.
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