Issu du cinéma expérimental, Bruce La Bruce réconcilie le cul et le QI en deux films qui n’épargnent personne. Ce n’est pas parce qu’un film secoue la fourmilière bien-pensante qu’il est réussi. Certes. Mais ce n’est pas non plus parce que les films de Bruce La Bruce flirtent avec la pornographie qu’il ne s’agit pas […]
Issu du cinéma expérimental, Bruce La Bruce réconcilie le cul et le QI en deux films qui n’épargnent personne.
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Ce n’est pas parce qu’un film secoue la fourmilière bien-pensante qu’il est réussi. Certes. Mais ce n’est pas non plus parce que les films de Bruce La Bruce flirtent avec la pornographie qu’il ne s’agit pas de cinéma. Un flirt certes poussé (fellations, pénétrations, bondage, godage, etc.), mais qui ne saurait être réduit à de la pornographie selon l’acception traditionnelle du terme. Le cinéma de Bruce La Bruce vise plutôt à la synthèse du cinéma traditionnel qui ne filme pas l’acte sexuel et du cinéma porno qui évacue le cerveau (alors que c’est pourtant le premier organe sollicité dans l’acte sexuel). Grâce à un parcours atypique, parce qu’on ne peut le réduire à aucune chapelle (il n’est pas forcément en odeur de sainteté dans la communauté homosexuelle tant il la dénigre), Bruce La Bruce arpente des territoires vierges (si l’on peut dire), ce qui est tout simplement le cahier des charges du cinéma expérimental dont il est originaire. Cet investissement expérimental ne se limite pas au choix du sujet. Dans No skin off my ass (1990), on appréciera le travail sur la bande sonore où se superposent plusieurs nappes musicales, enrichies parfois de dialogues, le tout inventant des climats sonores inhabituels et séduisants, mêlant John Barry à Beefeater, David Amram à Tiny Tim. A travers la liaison entre un skin rencontré dans un parc et une folle esthète, Bruce La Bruce montre une fois de plus que le plus pornographique n’est pas de filmer deux corps en rapport sexuel, mais plutôt les sentiments qui se nouent entre deux hommes. Contournant cette difficulté par un humour salvateur, il hisse plus haut la barre en introduisant l’altérité par la figure de la soeur lesbienne. Ceux qui pensent que BLB ne tourne qu’en circuit fermé, réalisant des films de pédés pour les pédés, découvriront qu’il sait aussi filmer les femmes, et pas forcément les plus filmées d’entre elles. Mieux, là où l’imagerie porno hétéro fonctionne sur des symboles machistes (soubrettes, putes…), l’imagerie porno gay recycle des figures viriles jusqu’au malaise : CRS, policiers tortionnaires… En filmant un skin issu de l’imaginaire néo-fasciste, La Bruce ne fait pas de cadeau à cette ambivalence de nombreux gays. Parler de complaisance au sujet de ce cinéma est donc tout bonnement impossible. Cette entreprise démystificatrice va encore plus loin dans Super Huit 1/2 (1994). Fatigué, dépressif, Bruce ne passe ici rien à personne, et surtout pas à lui-même. Dans ce film dans le film, démarqué du Huit 1/2 de Fellini, tout le monde en prend pour son grade. L’humour a cédé la place au vitriol, et le timbre de Dionne Warwick ne suffira pas à mettre du baume au coeur las.
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