A l’occasion de la sortie de Diamant noir, premier long-métrage et superbe film noir signé Arthur Harari, focus sur un garçon qui va et vient entre Montreal et Berlin, admire Patrick Dewaere et a follement aimé le chanteur des Hanson.
On avait repéré ce jeune comédien dès le premier long-métrage de Xavier Dolan, J’ai tué ma mère, dans lequel il jouait son camarade de pension. Dans le film suivant, Les amours imaginaires, il était le vénéneux objet de désir d’une fille et d’un garçon, meilleurs amis du monde, mais qui allaient se battre comme des chiffonniers pour obtenir ses faveurs. Depuis, Niels Schneider s’est installé à Paris, a fréquenté à la fois le jeune cinéma d’auteur (Yann Gonzales, Helena Klotz), des productions plus mainstream (Lisa Azuelos, Anne Fontaine), a obtenu des premiers rôles au theatre (partenaire d’Isabelle Adjani dans Kinship, d’Ana Girardot dans Romeo et Juliette) et à la télévision (la série Odysseus sur Arte).
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Diamant noir, premier long-métrage et superbe film noir signé Arthur Harari, l’impose en petit malfrat mû par une haine vengeresse. Beau et sombre comme Delon chez Melville, maintenant toujours le couvercle d’une ébullition intérieure comme Joaquin Phoenix chez James Gray, il y réussit une prestation parmi les plus marquantes de l’année. On le retrouvera bientôt dans le conte d’Adolpho Arrieta, La belle dormant et le premier long du chorégraphe star Angelin Prejlocaj, Polina. Focus sur un garçon qui va et vient entre Montreal et Berlin, admire Patrick Dewaere et a follement aimé le chanteur des Hanson.
Diamant noir, le premier long d’Arthur Harari, sorti en juin dernier et très bien accueilli par le public et la presse, est un film important pour toi, non?
Oui, c’est un rôle que j’attendais depuis le début de ma carrière. J’ai parfois été ravi de participer à des films que j’aimais, comme par exemple Les amours imaginaires, mais en éprouvant toujours à un moment une petite frustration d’acteur. J’excepterai le film de Yann Gonzales, Les rencontres d’après-minuit, sur lequel je n’ai vraiment ressenti aucune frustration. Et L’âge atomique d’Héléna Klotz, mais mon rôle était vraiment très court. En fait j’avais besoin de m’engager totalement dans un film, d’être impliqué sur la durée. Et ce avec un metteur en scène que j’admire. J’admire Arthur (Harari) et en plus j’ai l’impression de regarder dans la même direction que lui. J’attendais depuis longtemps d’avoir un tel rapport de proximité avec un cinéaste. Je me reconnais exactement dans son envie de cinéma.
As-tu le sentiment qu’Arthur Harari a vu des choses de toi auxquelles les précédents cinéastes avec qui tu as tourné ne s’étaient pas intéressé?
Oui c’est clair. Il a filmé une violence, une noirceur que peu d’autres cinéastes avaient puisé en moi. Enfin, ce n’est peut-être pas la première fois. J’ai tourné par exemple dans un moyen-métrage avec Shanti Massud dans lequel je jouais un mec qui se métamorphose en monstre et ce n’est pas sans rapport avec ce qu’Arthur filme de moi dans Diamant noir.
Mais dès Les amours imaginaires, malgré ton air angélique et tes boucles blondes, tu joues un vrai salaud.
Evidemment. Un salaud je sais pas, mais un pervers et un sadique en tout cas. Pas du tout un minet fleur bleue. Mais je savais qu’il suffirait que je me plaque les cheveux en arrière pour qu’on me parle de contre-emploi, de métamorphose physique… Ça va! C’est pas Charlize Theron dans Monster non plus. (Rires) Le personnage de Diamant noir, contrairement à ce que tu disais de celui des Amours imaginaires, est pour le coup un animal moral. Mais il va se confronter à la question de la trahison. Finalement il trahit tout le monde. Mais il n’en jouit pas. Ça le ronge. J’aime vraiment énormément Diamant noir et j’ai pas honte de le dire. C’est un film avec des ambitions originales, neuves, et qui les atteint.
Comment as tu vécu sa réception?
Il y a eu un premier temps un peu dur, ou le film a été refusé par plusieurs grands festivals. J’en veux à Cannes de n’avoir pris le film nulle part. Mais pour moi ça dit surtout qu’une sélection n’a plus aucune valeur, que les critères ne se transforment pas aussi vite que le cinéma. Après, ça s’est renversé. L’accueil critique très chaleureux m’a rassuré. Je me suis dit : « C’est bon, j’ai pas déliré« . Et puis enfin, alors que le film est sorti dans peu de salles, que son absence de sélection en festival pesait comme un boulet, il a bien marché, il a même eu la meilleure moyenne la semaine de sa sortie. Ça redonne un peu la foi.
Le succès des Amours imaginaires, tu l’avais vécu de façon aussi joyeuse?
A l’époque, je ne connaissais rien à l’industrie du cinéma, je ne me souciais pas du tout de la carrière des films. Mais à Cannes, j’avais bien senti le buzz. Le film a un peu marché en France, mais ça restait encore modeste. Par contre au fil des mois j’en ai perçu l’impact générationnel. Des spectateurs qui ne l’avaient pas vu en salles le découvraient, des gens de mon âge me reconnaissaient dans la rue… Xavier est devenu un phénomène qui dépasse le cinema. Il est devenu un icone pop.
En juin, on a pu te voir aussi dans le nouveau film d’un talentueux cinéaste chilien, Voix off de Cristian Jimenez. Comment t’es-tu retrouvé dedans?
On s’était croisé à Cannes avec Cristian, puis retrouvé à Paris par une amie en commun. Il était pensionnaire à la ciné-fondation. On est devenus potes et il m’a proposé un rôle dans son nouveau film. La perspective de partir trois semaines au Chili m’a plu. J’aime beaucoup le film. Son humour fait penser à certains cinéastes américains, comme Noah Baumbach. En moins lourd. Parce que Baumbach peut être lourd parfois. J’adore Les Berkman se séparent. Mais j’ai du mal avec Frances Ha. Il faut dire que je ne supporte pas Greta Gerwig.
Ah bon ? Elle ne t’a jamais charmé ?
J’ai dû être séduit dix minutes la première fois que je l’ai vue dans un film et après elle m’a agacé. Elle est tellement bourrée de tics. Je la trouve complaisante dans son côté « so weird« , « autisme léger mais tellement charmant« …
Tu as déjà accepté un projet pour rencontrer un acteur?
Oui ca m’est arrivé. J’ai accepté un film parce que le rôle comportait une scène dans un lit avec Sophie Marceau (rires). Le film, c’est Une rencontre de Liza Azuelos. Et puis surtout, au théâtre, j’ai vraiment accepté Kinship pour être le partenaire d’Isabelle Adjani. Ça me faisait quand même complètement triper de la rencontrer. Enfin, l’an dernier, j’ai tourné La belle dormant avec Adolfo Arietta. Ça m’a permis de rencontrer Ingrid Caven et Matthieu Amalric. Je n’avais pas vu beaucoup de films d’Arrieta mais je savais que Yann l’admirait beaucoup. En revanche, j’adore Fassbinder et j’avais vraiment très envie de rencontrer Ingrid. De toutes façons, je n’ai pas non plus un choix immense. Depuis le bon accueil de Diamant noir, j’ai quand même pas mal de propositions. C’est marrant, on me propose maintenant des films d’action, des trucs où je me bats tout le temps, où je conduis des motos…
Tu as déjà accepté un film pour un salaire?
Quand je ne suis pas attiré par un projet, que je n’y crois pas artistiquement, et qu’en plus j’ai besoin de thunes, je demande beaucoup plus d’argent qu’on ne m’en propose en espérant qu’on me dise non. Je ne dirais jamais de quel film il s’agit, mais une fois j’ai demandé 20 fois ce qu’on me proposait. Et bien j’ai quand même obtenu fois dix! (Rires) Mais bon le plus souvent je fais les films que j’ai envie de faire et je prends très peu d’argent. Ca serait bien d’être bien payé sur les films que j’aime vraiment. (Rires)
Tu ne tournes quasiment plus au Canada ?
J’adore Montreal, la ville me manque, même si j’y retourne souvent. Comme acteur, je reçois des propositions en France et j’ai mes repères ici. Mais en ce moment j’écris un long-métrage que je veux réaliser. C’est l’histoire d’un toxicomane. Je vais le tourner à Montreal avec des comédiens québécois. Mon imaginaire de cinéma est très européen. Mais, affectivement, biographiquement, Montréal, c’est quand même ma ville. Je suis né à Paris, mais ma famille s’est installée au Quebec quand j’avais 8 ans. Je suis revenu à Paris à l’âge de 22 ans. Quand je reviens à Montreal, j’ai l’impression de rentrer à la maison.
Pourquoi as-tu choisi de t’installer à Paris à la sortie des Amours imaginaires ?
Ça ne s’est pas tout à fait passé comme ça. Ce n’était pas une décision. Je suis arrivé avec presque rien dans ma valise, sans savoir combien de temps j’allais passer à Paris et de fil en aiguille je suis resté. Je n’étais pas vraiment très désiré comme acteur par le cinéma québécois. De façon mathématique, je me suis dit qu’on produisait 15 films par an à Montreal et 150 à Paris, donc que j’avais plus de chance de trouver du taf ici.
Qu’as-tu aimé au cinéma récemment ?
J’ai beaucoup aimé Folles de joie de Paolo Virzi. Valeria (Bruni Tedeschi) est formidable…
Ce qui te gêne chez Greta Gerwig, le côté “maladresse travaillée”, “doux-dingue”, tu ne le perçois pas dans le jeu de Valeria Bruni Tedeschi ?
Non pour moi ça n’a aucun rapport. Il y a une humanité chez Valeria qui me touche beaucoup. Elle est infiniment plus vivante. Elle a une part d’enfance très forte. Et puis je crois à sa folie tout simplement, elle ne me paraît pas fabriquée. Sinon, pour revenir sur les films que j’ai vu récemment, je me plonge en ce moment dans l’oeuvre de Woody Allen. Je découvre ou revois en ce moment tous ses films des années 90 : Ombres et brouillard, Coups de feu à Broadway, Harry dans tous ses états, Tout le monde dit I love you… Ça me passionne. Je le suis replongé dans Cassavetes aussi. Et j’ai revu aussi l’autre jour Journal intime de Moretti, qui me bouleverse absolument. C’est tellement beau l’histoire de ce type qui rêve de légèreté. En ce moment, j’ai des envies de comédie. J’aimerais beaucoup en tourner une comme acteur. Jusqu’à maintenant on m’a essentiellement confié des rôles assez sombres. J’ai revu récemment Les apprentis de Pierre Salvadori. J’aime beaucoup ce film et j’adore Guillaume Depardieu. Sa candeur est vraiment irrésistible.
Quels sont les autres acteurs qui te touchent ?
Patrick Dewaere. Un peu pour la même raison que Guillaume Depardieu. Il transforme sa profonde mélancolie en quelque chose de fantaisiste. Même dans ses films les plus noirs, il y a toujours un moment où il emmène de la drôlerie. C’est l’acteur le plus paradoxal qui soit. Même dans Série noire, même dans Hotel des Ameriques, même dans Un mauvais fils. Il met ensemble des choses qui ne vont pas ensemble, il réunit des qualités d’acteur antinomiques. C’est un vrai génie. Comme River Phoenix.
Tu ne cites que des acteurs morts jeunes?
C’est vrai… Ca doit me fasciner en effet ces grands artistes consummés. River Phoenix, c’est une passion qui remonte à l’adolescence. A seize ans, j’ai vu My own private Idaho et c’est devenu mon film préféré. Ça m’a foudroyé. Avant, je regardais des films pour teens. J’étais obsédé par Cruel intentions avec Ryan Philippe et Sarah Michele Gellar. Je le regardais une fois par jour (rires). J’étais obsédé par les Hanson aussi. J’étais amoureux de Tyler…
Tyler, c’était le plus jeune?
Non ça c’est Isaach. Tyler, c’était le chanteur. Avec ses cheveux longs, il ressemblait à une nana. Quand j’ai appris qu’il était un mec, j’ai chialé. Ça a été un de mes premiers déchirements, j’avais douze ans. (Rires). Mais bon je m’en suis remis en tombant amoureux d’Alicia Silverstone. (Rires) C’était une sorte de Vanessa Paradis américaine, en plus ronde. J’aimais bien les filles un peu rondes, car ma Spice Girl préférée, c’était Baby Spice.
Aujourd’hui tu écoutes quoi?
En ce moment, j’écoute beaucoup de chansons italiennes. J’adore Luigi Tenco, Francesco di Gregori, Gino Paoli… J’écoute aussi John Coltrane, Fleetwood mac, Todd Terje, Lil ‘ Wayne. Et puis j’ai une passion depuis toujours pour Leonard Cohen. J’ai vraiment été groupie.
Autant que des Hanson?
Plus! Je me souviens d’avoir vu un documentaire sur lui à l’âge de 16 ans, où on voyait sa maison. J’avais repéré un garage en face, j’avais fait des recherches pour le localiser. Et j’ai trouvé sa maison. J’ai attendu des heures posté devant chez lui pour le voir. J’ai toujours été assez groupie. Même les filles, je pouvais les attendre des heures devant chez elle et quand elles arrivaient je ne leur parlais pas. En mode stalker! (Rires)
Tu avais des affects violents quand tu étais ado. Et maintenant?
Toujours, mais j’ai appris à les brider. J’ai pas envie de me retrouver en taule. (Rires)
Recueilli par Jean-Marc Lalanne
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