Tous les étages d’une maison peu commune explorés avec sensibilité et sans voix off : une véritable « pièce de cinéma », comme on parlerait de la pièce de musique.
Aujourd’hui, plutôt que “la Maison de la radio”, on dit “la Maison ronde”, ou “Radio France”. On sait gré à Nicolas Philibert d’avoir réutilisé cette appellation originelle légèrement désuète pour titrer ce nouveau film. Car s’il a capté divers fragments du travail au quotidien des radios (Inter, Info, Culture, Musique…, les antennes du service public sont toutes présentes ici), il a aussi filmé une “maison”, tant du point de vue architectural, labyrinthique, que dans les diverses connotations de “maison commune”, “maison du peuple”, “maison de la culture”, voire “maison cinéma” au sens où l’entendait Serge Daney : l’endroit où chacun peut se sentir chez soi.
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Et ce sont bien le travail, les efforts, l’exigence, le don de soi à leur mission de service public de tous les salariés de Radio France que le cinéaste a patiemment scrutés.
Flash info lu en braille par une journaliste aveugle (incarnation s’il en est de l’essence d’une radio), réalisatrice réécoutant inlassablement un dialogue de feuilleton pour en améliorer le son à l’intonation près, formatrice corrigeant l’apprenti rédacteur de bulletin sur la hiérarchie de ses infos, la place de la respiration entre deux nouvelles, la longueur de ses phrases ou la façon de faire “entendre” des guillemets, on apprend mille choses sur un métier complexe qui ne consiste pas simplement à bavarder devant un micro.
Pour autant, la beauté principale de ce film ne réside pas dans sa force informative sur les coulisses d’un média que l’on croit connaître parce qu’il nous est si familier. Philibert a jugé bon d’éliminer tout commentaire, explication ou incrustation écrite, faisant confiance aux seules vertus de sa mise en scène, et il a eu mille fois raison.
Ce sont donc ses cadrages, ses choix, son tempo, ses enchaînements et ses silences qui parlent mieux que n’importe quelle voix off, selon un montage organisé comme une pièce de musique, un assemblage sensoriel de creux et de pleins, de rimes et d’assonances, de plages contemplatives et de rebonds malicieux.
Au final, un paradoxe qui n’en est pas un : film sur un média qui ne s’adresse a priori qu’aux oreilles, La Maison de la radio est un grand morceau de cinéma.
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