Alors que les plateformes de SVOD ne cessent d’enrichir et de varier leurs offres, l’audiodescription et les sous-titres pour malentendants semblent toujours sacrifiés dans cette équation.
A l’heure où les plateformes de streaming apportent une nouvelle façon de visionner des œuvres audiovisuelles, l’aspect démocratique et égalitaire que promeut la salle de cinéma se voit remis en question. Bien que certains circuits privilégient des sièges numérotés, voire des salles entièrement équipées de technologies particulières (IMAX, Dolby Atmos, 4DX…), il est clair que le médium n’est pas accessible pour tous de la même manière. Avec sa variété de programmes et ses diverses offres d’abonnement, Netflix, comme la majorité des plateformes de SVOD, conçoit son offre sur une demande protéiforme. Mais là aussi, le service est loin d’être infaillible.
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Prenons l’exemple de Christopher Bourgeois, 26 ans, et atteint depuis la naissance d’un glaucome qui lui a définitivement coûté la vue il y a cinq ans. Comme pour beaucoup de non-voyants désirant profiter de films et séries, Netflix s’est imposé dans sa vie, sans pour autant qu’il puisse pleinement en profiter. En effet, la plateforme est dépourvue d’audiodescription pour la majorité de ses programmes, à l’exception toute relative de quelques films ou séries françaises. Sur change.org, le jeune homme a lancé une pétition pour pousser le géant de la SVOD à agir face à ce manque. Celle-ci est actuellement signée par plus de 45 000 personnes.
Une offre qui ne répond pas à la demande
« Beaucoup de mes amis, non-voyants depuis la naissance, n’ont jamais pu accrocher aux films et aux séries. Quand il y a des conversations à ce sujet, ils disent majoritairement « je ne connais pas » ou « je n’arrive pas à suivre »« , nous a expliqué l’intéressé. Pour lui, Netflix prive une partie de son audience de pouvoir profiter pleinement de ses créations, alors même que la technique de l’audiodescription, créée en 1988, s’est aujourd’hui démocratisée à la télévision et même dans les salles de cinéma. Il précise d’ailleurs dans sa pétition que le déclic lui est venu après avoir assisté à une projection d’Avengers : Endgame en audiodescription. Une séance magique, qui lui a permis de profiter de chaque instant du film, y compris durant sa longue bataille finale.
De retour chez lui, Netflix et son absence d’aide au visionnage pour les personnes handicapées (la plateforme ne possède pas non plus de sous-titres détaillés pour les malentendants) l’ont empêché de ressentir les émotions véhiculées par la série qu’il avait lancée. Pour concevoir cette différence, vous pouvez d’ailleurs tester, en fermant les yeux, l’audiodescription du film Le Dernier Chasseur de sorcières. Effet garanti !
« Certaines séries nécessitent une audiodescription, parce qu’il y a trop de scènes non parlées. Par exemple, je n’arrive pas à suivre Stranger Things ou Black Mirror. Il y a trop d’action et de moments silencieux. Quand ce sont des séries qui reposent sur le mystère, il y a moins de paroles, et cela amène à devoir interpréter« , déplore Christopher Bourgeois. L’attention que suscite sa pétition prouve qu’elle est loin de concerner une minorité, d’autant plus que le rajout de l’audiodescription pour certaines œuvres possédées par Netflix serait assez simple, étant donné que les pistes existent déjà sur d’autres supports, à l’instar des DVD. « La technologie existe depuis longtemps, et il y a des gens formés dans ce domaine« , nous précise-t-il.
Une série sur un aveugle… sans audiodescription ?
Il est vrai qu’en France, l’association française d’audiodescription essaie le plus possible d’enrichir son catalogue, et en réalité, Netflix conçoit le besoin de rendre ses contenus accessibles au plus grand nombre, du moins sur sa version anglophone. En effet, le service de SVOD commence doucement à proposer de l’audiodescription aux Etats-Unis.
En 2015, la plateforme lance la série à succès Daredevil, adaptation d’un comic Marvel mettant en scène un super-héros aveugle, dont les autres sens se voient amplifiés. Mais, comble du paradoxe, la série n’était pas accessible pour les non-voyants, et une pétition a vite amené Netflix à corriger cette erreur, promettant d’ailleurs que d’autres créations seraient disponibles en audiodescription, en anglais. Ce manque de tact de la part de Netflix reflète une certaine incompréhension, malheureusement très répandue, envers les non-voyants, y compris quand ils peuvent être considérés en tant que public cible d’une œuvre.
Alors qu’une concurrence rude arrive prochainement pour défier Netflix sur le territoire encore peu défriché de la SVOD (Disney +, Apple TV +, HBO Max), l’action de Christopher Bourgeois paraît encore plus primordiale. Il est nécessaire que toutes ses plateformes, qui s’apprêtent à segmenter l’offre audiovisuelle, conservent malgré tout une aura démocratique, et une forte accessibilité. « J’ai visé Netflix avec ma pétition parce que si eux agissent, les autres suivront« , a-t-il commenté.
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