Le réalisateur italien Alessandro Comodin signe une enquête policière façon road movie ralenti, savoureuse de folie douce.
À quoi joue Gigi, depuis l’habitacle de sa voiture ? Est-ce une course-poursuite au ralenti que nous regardons ou bien une errance ? La caméra restera collée au visage de ce policier de campagne aussi attendrissant qu’inquiétant, qui enquête sur une étrange série de suicides frappant la région.
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Principal lieu de ce drôle de huis clos – tout autant que faux documentaire –, l’intérieur de l’automobile agit comme la fenêtre d’un monde en déliquescence et contraint son protagoniste, derrière le pare-brise, à en être un silencieux et impuissant témoin.
De Tati à Keaton
Qui dit fenêtre dit hors-champ, grâce notamment à la remarquable bande-son qui invite progressivement le film sur le terrain du burlesque. Sans crier gare, c’est toute une histoire du cinéma burlesque que convoque Gigi depuis sa voiture. La figure du policier maladroit mais débonnaire, regardant un monde en chaos, associé à une cartographie précise d’un espace rural (la région du Frioul, déjà au centre du splendide premier long de Comodin, L’Été de Giacomo, 2011), évoque forcément le P’tit Quinquin de Bruno Dumont.
Le travail bruitiste de la piste sonore évoque quant à lui Tati, tandis que les grandes lignes de force du récit (l’action, le rapport à l’environnement et la quête amoureuse) communiquent de façon inattendue avec le cinéma de Keaton. Pourtant, il ne faudra s’attendre à aucune cabriole ou cascade. Le grand talent de Comodin consiste à exprimer le burlesque dans sa forme la plus éthérée, se limitant à quelques dérèglements que leur rareté et leur surgissement inopiné rendent d’autant plus savoureux.
Quelques mois après la sortie du stupéfiant Il Buco de Michelangelo Frammartino, c’est encore un cinéaste italien qui célèbre la primitivité du cinéma, son expression la plus pure mais aussi la plus mystérieuse.
Les Aventures de Gigi la Loi d’Alessandro Comodin, avec Pier Luigi Mecchia, Ester Vergolini, Annalisa Ferrari (It., Fra., Bel., 2022, 1 h 42). En salle le 26 octobre.
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