David Gulpilil a marqué l’histoire du cinéma. Dans un documentaire en salle ce mercredi, Molly Reynolds retrace le parcours de cet acteur unique décédé en novembre 2021.
Arraché au bush australien à la fin des années 1960 alors qu’il avait quatorze ans, David Gulpilil devient la première icône aborigène du grand écran, révélé par Nicolas Roeg avec l’errance désertique de Walkabout en 1970. Il est notamment le seul acteur a joué dans les deux films australiens les plus rentables de tous les temps : Crocodile Dundee de Peter Faiman et Australia de Baz Luhrmann.
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À l’annonce de son cancer des poumons en 2017 (l’acteur est mort en novembre 2021), la cinéaste Molly Reynolds se décide à faire un documentaire sur la vie de cet homme qui a traversé cinquante années partagées entre les traditions de son peuple et les excès qu’Hollywood lui a volontiers déposé entre les mains. My Name is Gulpilil est cette histoire d’un conteur bordélique, mystique et sensible, fier de raconter qu’il a fumé son premier joint avec Bob Marley, lui qui a connu les déjeuners avec la Reine d’Angleterre et les séjours en prison. Il se livre à la caméra de front, les yeux plantés droits dans ceux des spectateur·trices, avec une démence sensible, mais toujours accrochée à la vie. Une sorte de folie terrienne. Aucun·e interlocuteur·trice, personne, n’est là pour relayer le discours de sa vie, pour parler à sa place. On avance dans sa mémoire au rythme de son verbe, distribuant des haltes pour reprendre pied : il reprend régulièrement ses phrases une seconde fois, sur le même ton, comme pour les ancrer davantage dans le réel de son odyssée personnelle.
Ange noir
Ce long métrage est, quelque part, un film de soin, de remède, à la recherche ininterrompue d’un nouveau souffle (le motif de l’inhalateur que Gulpilil réclame, utilise et multiplie), d’un nouvel élan pour réinjecter le goût des souvenirs. Qui dit film de soin, dit aussi film de guérisseur et de lésions, que Gulpilil fouillent, généreux et déterminé : “Je vois dans ma mémoire comme dans une caméra”. Le documentaire a cette subtilité de mettre en perspective les scènes de cinéma de sa filmographie avec des séquences au présent, sur les lieux de nature sauvage des tournages passés.
Plus encore, certains plans viennent défaire le rythme logique et narratif du déroulé portraitiste en saisissant le corps de Gulpilil, figé ou ralenti, dans des vignettes qui naissent comme des apparitions gorgées de mystères. Nous sommes donc sur son lit d’hôpital, peu avant sa mort, mais nous sommes aussi dans les limbes où Gulpilil est devenu cet ange noir aux cheveux blancs ondulés, entre l’occidental et le tribal, une attachante émanation chimérique.
My Name is Gulpilil de Molly Reynolds en salle le 31 août
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