Depuis l’année dernière, on connaît un peu mieux l’oeuvre de La Cava. Présentée au Festival de La Rochelle, puis à la Cinémathèque, on a pu en apprécier la diversité (La Cava a touché à tous les genres en vogue dans les années 30, de la comédie la plus débridée au mélodrame), qui fit de son […]
Depuis l’année dernière, on connaît un peu mieux l’oeuvre de La Cava. Présentée au Festival de La Rochelle, puis à la Cinémathèque, on a pu en apprécier la diversité (La Cava a touché à tous les genres en vogue dans les années 30, de la comédie la plus débridée au mélodrame), qui fit de son auteur pendant quelques années l’égal de Hawks ou de Lubitsch. My man Godfrey proposé en copie neuve est son film le plus connu, et certainement l’un de ses meilleurs, avec Stage door et Fifth Avenue girl. Il décrit l’irruption dans une famille de cinglés de la haute société d’un nouveau maître d’hôtel découvert dans une décharge au cours d’une chasse au trésor par l’une des filles de la famille. Le maître d’hôtel est un vrai pauvre mais un faux clochard, héritier d’une grande famille de Boston, ruiné par amour (William Powell, impeccable). Le film de La Cava joue d’abord de la juxtaposition de situations contrastées (la pauvreté et l’opulence, la dignité des pauvres et la folie des riches) : on passe ainsi de la décharge, dans laquelle s’ouvre le film, à un somptueux palace rempli de tarés. Mais La Cava ne se complaît pas dans ces contrastes, son évocation de la dépression exclut tout sentimentalisme. Là où Capra représente frontalement les masses aidées par l’homme providentiel (Gary Cooper dans Mr Deeds), La Cava préfère l’ellipse. Cela n’exclut pas l’analyse sociale, la recherche de dignité ou le happy-end, mais de manière plus subtile, moins appuyée que chez Capra. Par ailleurs, drôle de croisement entre Capra et Cukor, My man Godfrey est aussi et surtout un chef-d’oeuvre de screwball comedy en nous introduisant dans le quotidien déjanté de la famille Bullock, typologie idéale de comportements déviants (la mère, interprétée par Alice Brady, est particulièrement hilarante). Et Carole Lombard, qui trouve ici un rôle à sa démesure, fait merveille. Plus encore que Katharine Hepburn, avec qui ses personnages partagent un débit hallucinant et un goût permanent du coq-à-l’âne, elle représente l’archétype de la riche héritière cinglée dont toute la vie se cristallise sur un malheureux vagabond qui devient son « protégé ». Il y a dans le jeu de Lombard une intensité dans la folie, une tension hallucinée qui atteignent dans My man Godfrey des sommets insoupçonnés.
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