Un frais et délicat premier film sur un triangle poignant à Jérusalem : un père, un fils et Dieu.
Elevé dans une communauté ultra-orthodoxe de Jérusalem, David Volach vit son premier film à l’âge de 18 ans. “Je m’attendais à un film coquin, avec des filles déshabillées : en fait, c’était Les Temps modernes de Chaplin, et mon entrée dans un nouveau monde d’idées”, nous confiait-il en mars. Cette défloration cinématographique tardive explique sans doute la fraîcheur sensuelle de My Father, My Lord, premier film très personnel, au sujet un brin austère : la dissection d’une famille juive elle-même ultra-orthodoxe.
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Réuni autour de son amour pour son fils unique Menahem, le couple est peu enclin à l’extraversion. Dans une scène, l’épouse discrètement soumise couche sur papier ses doléances à son mari, rabbin ayant voué sa vie à l’étude de la Torah et de la loi juive – et qui essaie d’élever son fils en bon croyant. Le film se centre vite sur les doutes de Menahem quant aux préceptes enseignés. Doutes non pas métaphysiques, mais vus à hauteur d’un enfant qui se demande juste si les chiens ont une âme et vont au paradis. La mise en scène épouse idéalement ce regard : Volach décrit le quotidien avec l’œil d’un petit garçon en prise avec le monde, attentif à tout, d’un sachet de thé humecté sur une soucoupe à la topographie d’une synagogue. Dans la première partie du film, la photo solaire participe à la chaleur du portrait. Le film bifurque vers la froideur, sort de l’intime à l’occasion d’une balade familiale au bord de la mer Morte. Jusque-là, Vorach avait délicatement, patiemment questionné la rigidité des croyances du père – impressionnant Assi Dayan – au travers de scènes où une photo (qui suscite des accusations d’idolâtrie) ou un jeu d’ombres sur un mur (jolie mise en abyme du cinéma) sont des actes enfantins, tranquilles de résistance.
My Father, My Lord est surtout pour Volach une manière de dialoguer, à travers sa propre expérience, avec Le Décalogue 1 de Kieslowski (Un seul Dieu tu adoreras). Il rejoue le sacrifice d’Abraham – pour confronter le père à ses propres enseignements, à une Loi trop impersonnelle –, qui doit être accompli en dehors de toute considération humaine ou humaniste. La poignante conclusion, en empathie totale avec les personnages, illustre ce que la mère du cinéaste lui a dit après avoir vu le film : “Tu es bien sévère avec Dieu.” La belle qualité de My Father, My Lord est de lancer ces questions non pas comme une pierre, mais tel un avion en papier qui atteint sa cible au cœur. La réplique “J’étais dans les mains de Dieu” risque d’être l’excuse la plus pathétique entendue au cinéma cette année.
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