Parmi toutes les prochaines sorties de films, la rédaction des Inrocks a distingué six thèmes dominants.
#musique
Ron Howard veut le prouver avec The Beatles: Eight Days a Week : il y a encore des choses inédites à dire et à entendre sur Paul, John, George et Ringo. C’est à nouveau la musique (il avait déjà signé Made in America sur le festival de Jay Z en 2013) qui amène le réalisateur d’Apollo 13 au docu, avec ce film retraçant la tournée du groupe au plus fort de la Beatlemania, de 1962 à 1966.
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Les Fab Four sont-ils increvables ? Peut-être pas autant que leurs éternels rivaux : les Stones sont toujours là et Havana Moon témoigne d’une performance hors-norme, leur concert historique offert à Cuba le 25 mars dernier. Tous deux envahiront les cinémas avec une idée très gonflée, une distribution worldwide à date unique : le 15/9 ou rien pour les Beatles, et le 23/9 côté Stones.
On quitte le rock pour renouer avec l’esprit du musical classique, lui aussi immortel puisqu’il se trouve toujours des héritiers pour en raviver ponctuellement la flamme : Damien Chazelle présente le plus étonnant et le plus ambitieux projet de comédie musicale de l’année. On n’a probablement pas tenté de renouer aussi littéralement avec la grammaire de l’âge d’or du genre que dans La La Land (30/11), love story à deux voix – celle de Ryan Gosling, pianiste de jazz, et celle d’Emma Stone, actrice débutante.
Le réalisateur de Whiplash (déjà un formidable objet rythmique) mise gros avec ce show purement L. A. qui a autant de chances de se casser la figure que de produire un véritable miracle – à condition, et c’est ce que laisse deviner la bande-annonce (il sera présenté pour la première fois en ouverture de la Mostra de Venise), d’être à la fois rétro et furieusement actuel, langoureux et électrique, porté par un double mouvement de fétichisme vintage et de dérèglement contemporain.
https://youtu.be/vWHA1lcjUt4
Jim Jarmusch occupe de son côté la case indie chic du programme musical de cette fin d’année, avec Paterson, (21/12) qui signe un retour aux vieux charmes de son cinéma : battement circulaire des motifs, patchwork citationnel sophistiqué (Allen Ginsberg, William Carlos Williams…), mélancolie blues et feutrée de l’ensemble. Porté par la grâce absolue d’Adam Driver, le film glisse comme un chat : si la musique y trouve sa place par le biais de Golshifteh Farahani, qui s’y rêve en chanteuse folk, c’est plutôt le film dans sa globalité qui obéit à une construction musicale faite de chants et de contrechants, de thèmes et de variations tant visuelles que narratives. TR
#famille
Corps et esprits mutilés, lésions irréversibles, minces espoirs de cicatrisation : la famille passe en urgence au bloc opératoire cette année, à commencer (puisque dans son cas, c’est littéral) par celle de Réparer les vivants de Katell Quillévéré, suspendue aux médecins de l’hôpital où le jeune Simon gît entre la vie et la mort. Son cœur bat encore et pourrait, en cas de trépas, déménager dans un autre corps autour duquel proches et parents attendent aussi fébrilement. Casting d’une étrange disparité (Anne Dorval, Emmanuelle Seigner, Tahar Rahim, Kool Shen) pour cette adaptation de Maylis de Kerangal attendue le 2/11.
https://youtu.be/jxWCJ9CRt6Y
C’est une autre partie du corps qui fait défaut à La Jeune Fille sans mains de Sébastien Laudenbach (novembre), sensible film d’animation où Jérémie Elkaïm et Anaïs Demoustier prêtent leur voix à un conte des frères Grimm sur un meunier qui, tenté par le diable, accepte la mutilation de sa fille.
Mais quand la douleur n’est pas physique, la famille n’en est pas moins un corps à soigner. Celle de Baccalauréat de Cristian Mungiu vole en éclats sous l’effet des compromis moraux, des tricheries et des mensonges auxquels s’abaisse Romeo (épatant Adrian Titieni) dans l’espoir que sa fille décroche son bac : rendez-vous le 7/12 avec un cinéma roumain toujours en très bonne forme.
Celle de Juste la fin du monde de Xavier Dolan (21/9) n’est plus que disputes, cris, rancœur : une famille à un fil de la rupture, portée à ébullition par l’interprétation volcanique des acteurs, la mise en scène hypersensible et débordante de Xavier Dolan et le matériau d’origine qu’est la pièce de Jean-Luc Lagarce.
Si le film a reçu un Grand Prix cannois, ne devrait-on pas plutôt dire qu’il est passé à un cheveu de la Palme, sésame auquel le surdoué québécois n’a toujours pas droit ? Son casting ultra luxueux (Gaspard Ulliel, Vincent Cassel, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Nathalie Baye) pourrait en tout cas lui permettre de s’en consoler en rééditant le hit Mommy, de loin son plus grand succès public à ce jour.
Heureusement, d’autres familles s’agrandissent au lieu de s’estropier : dans Une vie entre deux océans de Derek Cianfrance (5/10), Michael Fassbender et Alicia Vikander trouvent un remède à leur infertilité grâce au naufrage miraculeux d’un nourrisson au pied du phare reculé dont ils sont les gardiens. Bon, il paraît que des problèmes leur arrivent quand même, un peu plus tard… TR
#potes
Les films de bandes de potes qui occuperont l’écran jusqu’à la fin de l’année ne se ressemblent pas mais ont en commun un caractère exacerbé, une propension au fantasme, une envie de délirer le réel et de laisser des forces variées l’envoûter ou l’électriser.
Dans Diamond Island de Davy Chou (28/12), les jeunes de Phnom Penh ont un pied dans leur condition d’ouvrier, l’autre dans les voluptés de la nuit et de la fête, et vivent entre les deux un étrange quotidien de rêve et d’éveil, de drague et de balades en scooter, de pauses lascives et de travail sur les chantiers de centres commerciaux futuristes.
Du côté du banlieue movie à la française, de nouvelles pistes s’ouvrent aussi. Piste rêveuse du Swagger d’Olivier Babinet (16/11), docufiction concocté avec des collégiens de Sevran et d’Aulnay-sous-Bois qui restitue leur quotidien comme un songe en l’inondant de style, de danse, le plus loin possible des représentations misérabilistes et de la sociologie périmée des cités.
Piste fonceuse du côté de Divines (31/8), la sensation de Cannes 2016 où le film d’Houda Benyamina a raflé la Caméra d’or : récompense attendue pour cet ouragan de féminisme, d’humour et de volonté d’en découdre avec la condition féminine en banlieue dont s’était déjà emparée, de façon moins survoltée, la Bande de filles de Céline Sciamma en 2014.
Céline Sciamma est justement la scénariste de Ma vie de courgette de Claude Barras (19/10), dernier film de potes attendu cet automne, où les amis deviennent la famille quand cette dernière fait défaut : dans un foyer d’accueil, orphelins et enfants aux parcours douloureux se serrent les coudes et font tribu, tant bien que mal. Animé avec originalité, écrit avec justesse, enfin un film jeune public qui respecte son jeune public. TR
#icônes
Est-il une icône plus cinématographique, plus universelle que Dark Vador, sa voix de stentor rongée par un souffle asthmatique, sa cape de Zorro maléfique, son casque noir façonné et impeccablement luisant ? Il est le seul passager identifié embarqué sur le Rogue One, premier spin-off de la saga Star Wars aux proliférations infinies (Rogue One: a Star Wars Story, sortie le 14/12).
Dark Vador est cette fois aux trousses d’un scientifique en fuite ayant collaboré à l’édification de l’Etoile noire (Mads Mikkelsen) et de nouveaux protagonistes de l’Alliance rebelle (Felicity Jones, Diego Luna). C’est le jeune Gareth Edwards qui se colle à la mise en scène et les premières images permettent d’anticiper un style film d’action sombre et un peu bourrin dans la lignée de son Godzilla, assez éloigné des arabesques formelles aériennes de J.J. Abrams.
Une icône, c’est quelqu’un qui revient. Bridget Jones pour la troisième fois, le temps d’une nouvelle romcom, la confrontant cette fois aux affres de la maternité (Bridget Jones Baby, le 5/10). Brice de Nice pour la deuxième fois (le 19/10), mais le film s’appelle Brice 3 (c’est une vanne, genre “je casse le 2”) et le “de Nice” est tombé (possiblement en raison d’une actualité estivale peu propice au LOL mais aussi parce que cette fois l’action se déroule à Hossegor).
Jack Reacher pour la deuxième fois aussi, mais cette fois l’icône est moins le personnage que l’acteur qui l’interprète : l’uber-iconique Tom Cruise, dans un emploi moins acrobate et plus gros cogneur que dans les Mission Impossible (Jack Reacher 2, Never Go Back, le 19/10).
Et pour la première fois, icône modeste, Sully. Non pas le ministre calviniste et barbu d’Henry IV, mais l’agile pilote d’US Airways qui réussit en 2009 un amerissage d’urgence sur l’Hudson River. Deux monuments du cinéma américain assurent son baptême de fiction : Tom Hanks, devant la caméra, et Clint Eastwood, derrière (Sully, le 30/11).
Dans le cinéma d’auteur, les icônes sont des étoiles de cinéma. Paul Vecchiali organise une ronde d’actrices portant la mémoire des temps les plus forts d’un demi-siècle de cinéma français (Françoise Arnoul chez Renoir, Edith Scob chez Franju, Françoise Lebrun chez Eustache, et en point culminant Catherine Deneuve – Le Cancre, le 5/10).
https://youtu.be/1BEQshklE_Y
Enfin, Albert Serra rallume la mèche du génie foudroyant de Jean-Pierre Léaud au service de l’agonie de Louis XIV (La Mort de Louis XIV, 2/11). Le roi se meurt dans son domicile sépulcral. Vive l’acteur. JML
#justice
Police partout, justice nulle part. Ce n’est pas Michael Moore qui dira le contraire : Where to Invade Next (14/9) signe le retour du documentariste le plus controversé du game, aussi reconnu que critiqué pour ses manœuvres rusées et sa tendance à faire des confettis avec ce que les uns appelleront la doxa, les autres la déontologie.
https://youtu.be/tFgewMnZdQc
Quel que soit le côté où l’on se trouve, ce road documentary où Moore visite l’Europe dans l’idée (ironique) d’y choisir un pays à envahir ou (réelle) d’y puiser des idées dont les States pourraient s’inspirer devrait faire du bruit, en plein dans une campagne présidentielle déjà fort croustillante.
De l’autre côté du spectre politique du cinéma US, Snowden se penche sur un sujet qui devrait considérablement agiter les paradoxes propres à Oliver Stone – chez lui les plus violentes attaques contre la mythologie américaine ont toujours pour finalité de refaire une santé au patriotisme. Le cyberactiviste, déjà sublimé par le docu oscarisé Citizenfour, se muera (2/11) en héros de blockbuster biographique sous les traits de Joseph Gordon-Levitt. Le film lui rendra-t-il justice ?
En France, la cour servira d’autres desseins : Victoria (14/9) dressera une passerelle entre film de procès et comédie romantique. Double casquette juchée sur la tête d’une Virginie Efira irrésistible en power girl avocate (lire pp. 30-36), tiraillée entre baby-sitters, ex, plaidoiries et plans cul : le film de Justine Triet s’annonce comme la sensation comique et indé de la rentrée, avec son énergie explosive et son casting parfait (Vincent Lacoste et Melvil Poupaud en soutien).
On rira cependant un peu moins quand la justice fera défaut aux prolos de Moi, Daniel Blake (26/10), aux retraités d’Aquarius (28/9) ou aux migrants de Ta’Ang (26/10). Le premier (Moi, Daniel Blake), Palmé d’or en 2016 (la seconde pour Ken Loach dix ans après Le vent se lève), poursuit dans la veine sociale du Britannique en rapportant le calvaire administratif d’un menuisier vieillissant, qui ne parvient pas à toucher ses allocations maladie alors même qu’on lui défend de reprendre le travail.
https://youtu.be/-bBcLImYBgQ
Le second (Aquarius), acte de confirmation de Kleber Mendonça Filho, pose lui aussi la question du passage du temps et des générations dépassées par les transformations du monde, en mettant la star du cinéma brésilien eighties Sonia Braga aux prises avec un présent désenchanté, incarné par les rapaces de l’immobilier qui tentent de la déloger de son appartement.
Le troisième (Ta’Ang), dernière production de Wang Bing, s’annonce comme une pierre brûlante dans l’œuvre du documentariste chinois, qui se penche pour la première fois sur une zone de conflit armé (la guerre civile à la frontière sino-birmane, et les migrations qui en résultent) où l’on espère qu’il ne perdra rien de sa patience et de son intelligence aiguë du réel. TR
#énigmes
Aux amateurs de jeux de piste, la rentrée réserve son lot d’indices à recueillir et de secrets à déceler. Mais l’enquête n’aura pas toujours lieu sur le même terrain. Elle serait volontiers mentale, voire télépathique dans Planétarium (16/11) de Rebecca Zlotowski. Natalie Portman et Lily-Rose Depp y sont deux Américaines douées de talents de médium, en tournée dans un Paris d’avant-guerre où un producteur de cinéma les engage dans un projet pharaonique – mais il semblerait que le chaos à venir manque à leurs prémonitions. Ce troisième long métrage de la réalisatrice de Belle Epine et Grand central est présenté presque simultanément à Venise et à Toronto.
Le climat de La Fille inconnue (12/10) devrait s’avérer plus terre à terre – quoique. Deux ans après Deux jours, une nuit, les Dardenne chevillent à nouveau leur caméra à une star féminine, embarquée dans un cheminement et un questionnement ininterrompus que met en marche une intrigue à sens unique (objectif : retrouver l’identité d’une femme mystérieusement décédée afin de lui offrir une sépulture). Frappante en jeune médecin, Adèle Haenel s’impose à la suite de Marion Cotillard comme la nouvelle sainte laïque d’un cinéma dardennien au plus fort de sa limpidité et de son sens moral.
Esprit chrétien encore plus littéralement restitué par João Pedro Rodrigues dans L’Ornithologue (30/11) où un Paul Hamy perdu en pleine nature se transforme au fil d’un survival forestier en un corps hétérogène, à la fois martyr homosexuel et avatar de saint Antoine, dans un jeu de symboles oscillant du religieux au queer qui signe le retour d’un des principaux représentants du toujours aussi vigoureux et fantaisiste cinéma portugais.
Frantz (7/9), enfin, nous transporte dans la France de l’après-Première Guerre mondiale, dans un petit village allemand où une jeune femme pleurant son mari mort au front voit soudain apparaître un inconnu pour le moins énigmatique : un soldat français se présentant comme un ami du défunt. Nouvelle incursion de François Ozon dans le film à costumes, qui de Huit femmes à Potiche a offert au réalisateur ses plus éclatants succès publics, comme son plus spectaculaire échec (le mésestimé Angel en 2007). TR
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