En 1967, alors qu’il travaillait comme reporter à la télévision française, Marcel Ophuls réalisa, à la demande de ses producteurs André Harris et Alain de Sédouy, son premier documentaire fleuve : trois heures et demie sur la conférence de Munich, événement clé du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Inédit depuis sa première diffusion, Arte […]
En 1967, alors qu’il travaillait comme reporter à la télévision française, Marcel Ophuls réalisa, à la demande de ses producteurs André Harris et Alain de Sédouy, son premier documentaire fleuve : trois heures et demie sur la conférence de Munich, événement clé du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Inédit depuis sa première diffusion, Arte propose aujourd’hui une version de deux heures, revue par l’auteur lui-même. Réalisé peu après l’échec de son film de fiction, Peaux de banane, Munich ou la paix pour cent ans pose déjà avec force le style élégant et le panache joyeux du documentariste. Montage vif, commentaires caustiques et grinçants, techniques exemplaires d’interview, rigueur d’analyse, mais aussi mélange audacieux d’images d’archives de guerre et de comédies musicales américaines, art de mêler la tragédie de l’histoire à la comédie humaine, l’une renvoyant sans cesse à l’autre : toutes ces « recettes » magiques seront celles du Chagrin et la pitié, réalisé deux ans plus tard, mais aussi d’Hôtel Terminus, jusqu’au formidable Veillée d’armes.
Ce qui est extraordinaire avec Ophuls, c’est que jamais il ne nous assène une leçon d’histoire pontifiante, alors même que tout ce qu’il nous donne à voir et entendre nourrit la réflexion, permet de comprendre, mieux que de nombreux livres d’histoire, les mécanismes du déclenchement de la guerre. Munich… raconte comment, par les accords signés le 30 septembre 1938, Edouard Daladier, président français du Conseil, et Neville Chamberlain, Premier ministre britannique, ont cédé à la volonté d’Hitler de rattacher au Reich les zones frontalières de la Tchécoslovaquie. A Paris et à Londres, on croyait avoir sauvé la paix, comme l’attesta le retour triomphal des chefs de gouvernement dans leur pays. A Paris, seuls quelques « anti-Munichois » (les communistes, quelques socialistes, comme Léon Blum) dénoncèrent ce « lâche soulagement ». De fait, cette conférence de Munich officialisa un acte de piraterie internationale. Dès le lendemain commençait le démembrement de la Tchécoslovaquie.
Reposant sur un grand nombre d’images d’archives, Munich… est surtout gorgé d’interviews de témoins éminents. De leur densité, on retiendra la manière dont Daladier décline toute responsabilité personnelle. Plus fort encore, l’absence de regrets de plusieurs des acteurs de cette comédie tragique, qui annonça, dans une sorte d’inconscience meurtrière, l’horreur nazie. Grinçant jusqu’au bout, après les pas de danse frétillants de Fred Astaire qui viennent en creux rythmer les entretiens, Ophuls termine son enquête aux sons d’une chanson fleur bleue de Charles Trénet. « La vie est belle », chante-t-il, même pour les lâches et les fossoyeurs.
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