Luhrmann persiste dans le kitsch laid et le montage hystérique. Mais les standards pop et la sublime Nicole Kidman sauvent cette chantilly. Voilà une comédie musicale qu’on s’est surpris à aimer lors de la soirée d’ouverture du Festival de Cannes, malgré de sérieuses et légitimes réserves esthétiques. Evocation fantaisiste du Moulin Rouge, présenté comme le […]
Luhrmann persiste dans le kitsch laid et le montage hystérique. Mais les standards pop et la sublime Nicole Kidman sauvent cette chantilly.
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Voilà une comédie musicale qu’on s’est surpris à aimer lors de la soirée d’ouverture du Festival de Cannes, malgré de sérieuses et légitimes réserves esthétiques. Evocation fantaisiste du Moulin Rouge, présenté comme le berceau du clubbing et de la bohème parisienne de la fin du xxie siècle, cette superproduction s’affirme en effet dès ses premières images comme un bordel visuel carabiné, cumulant les défauts des précédentes incursions de Bob Fosse (la surcharge décorative) ou Ken Russell (les anachronismes fumeux) dans le domaine du néo-musical. Sans parler de la « Luhrmann’s touch » qui se résume essentiellement à une direction artistique aussi prétentieuse que moche et à un montage exténuant.
Pourquoi Moulin Rouge, à défaut d’être un vrai bon film, parvient-il cependant à nous intriguer positivement ? Pour deux raisons principales. Il faut d’abord résister à la tentation de fuir dès un premier quart d’heure de pure pantalonnade pour enfin entrevoir un soupçon de beauté sur l’écran. Ça commence par la brève apparition de Kylie Minogue en fée Clochette, véritable Apéricube à l’irrésistible dessert que constitue la performance de Nicole Kidman, la plus grande et la plus belle actrice du cinéma américain contemporain. Son interprétation dans Moulin Rouge est tout aussi éblouissante que dans Prête à tout et Eyes Wide Shut, prouvant que même dans un écrin en plastoc, un diamant garde son éclat intact.
L’autre qualité du film, plus surprenante, réside dans l’utilisation intelligente et surtout très gonflée de standards de la pop culture remixés façon Broadway ou French Cancan, chantés par les acteurs eux-mêmes, paraît-il écouter par exemple la chanson Like a Virgin hurlée par deux vieux mecs. Dans cette grosse pâtisserie hystérico-culturelle, on trouve belle l’idée de convoquer Bowie, Elton John et les autres pour exprimer les sentiments des personnages. Resnais y avait déjà pensé avec son karaoké dépressif.
Si les scènes comiques sont très faibles, les chorégraphies impossibles et l’interprétation masculine pathétique, les midinettes auront du mal à retenir leur émotion devant l’amour impossible entre la divine Satine, courtisane phtisique, et un jeune écrivain naïf sans le sou. Ce sont d’ailleurs les duos romantiques chantés dans la tradition de Broadway, lorsque les plans se décident enfin à durer un peu plus d’une seconde, qui sauvent l’entreprise du désastre. Le film devient schizophrène, dans le combat auquel se livrent la sincérité des chansons et la conviction de Nicole Kidman, la justesse de ces paroles empruntées venant se heurter à la surcharge lassante des images. Moulin Rouge est peut-être une baudruche, croisement improbable entre le cinéma publicitaire, Evita, Titanic et On connaît la chanson, mais c’est aussi l’exemple type de spectacle pour lequel on peut éprouver une curiosité, voire une tendresse coupable.
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