Au programme : « A bigger splash » de Luca Guadagnino, « L’Hermine » de Christian Vincent et « Francofonia d’Alexandre Sokourov
A bigger splash fait un gros plouf
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Bon, désolé, on commence par le navet du jour : A Bigger Splash, le remake de La Piscine de Jacques Deray par l’auteur de L’Amore, Luca Guadagnino… On ne se penchera pas très longtemps sur les motivations qui ont pu pousser des producteurs à avoir l’idée de faire un remake de La Piscine (le sexe, non ?), le film préféré des fans de Romy et Alain, pour aller à l’essentiel : il n’y a pas un seul plan gratuit dans ce film. “Gratuit” au sens de financier, tant on a l’impression que chaque objet, chaque paysage, chaque élément de décor, chaque vêtements (Tilda Swinton plus swintonienne que jamais), chaque véhicule ou même chaque aliment (l’une des scènes les plus snobs de toute l’histoire du cinéma : la visite à la dame qui fait sa ricotta en regardant la télé) a été négocié avec un annonceur publicitaire.
Chacun joue ensuite sa partition : Matthias Schoenaerts l’objet sexuel, Ralph Fiennes (insupportable, à fond les manettes, toujours la bistouquette à l’air) le cocaïné de service, Tilda la star rock mystérieuse (elle est aphone), et Dakota Johnson la méchante Lolita mais “c’est pas sa faute c’est à cause de ses parents qui se sont pas-bien-occupés-d’elle”. Bref, l’histoire de gens sans aucun intérêt qui se la pètent et s’ennuient dans une île paradisiaque du sud de la Sicile avec leur sale fric. On s’étonnera aussi qu’un film italien prenne un tel plaisir à ridiculiser TOUS les personnages (très secondaires) italiens du film, de la domestique empotée au commandant des carabiniers débile (poufpouf). Tous des ploucs. Un film à fuir à la nage.
Christian Vincent du côté de chez Simenon
Plus intéressant et surtout honnête sans être génial, L’Hermine de Christian Vincent, cinéaste un peu perdu pour le cinéma depuis La Discrète, et qui retrouve un certain regain dans ces retrouvailles simenoniennes avec Fabrice Luchini, l’acteur de son premier film. C’est du cinéma bien français, avec plein de seconds rôles bien écrits et bien dirigés, des dialogues qui font mouche, un truc théâtral (un tribunal, un procès) et en même temps naturaliste, pédagogique et social (les jurés de ce procès d’assises ont manifestement été choisis par Vincent pour représenter un panel de notre société).
On pense surtout à Simenon parce que le récit se déplace subrepticement du procès à la description psychologique du juge qui le préside (au risque d’abandonner un peu les accusés en cours de route, à vrai dire…). La bonne nouvelle aussi, c’est que Luchini, même s’il fait du Luchini, en fait de moins en moins dans le Luchini, comme si sa misanthropie grandissante, son côté de plus en plus réactionnaire dans la vie médiatique allait de pair avec un allègement de son jeu cinématographique (oui, il est meilleur depuis qu’il est passé entre les mains de François Ozon). Curieux, non ? Il nous a même un peu émus. Grâce aussi, il faut le dire, à la merveilleuse Sidse Babett Knudsen, l’actrice danoise révélée dans Borgen, qui lui mène la dragée haute. L’Hermine, c’est ce qu’on appellera du beau travail d’artisanat, du sur mesure, de la lutherie. Avec les limites afférentes.
Sokourov tire son épingle du jeu
Non, le bon film du jour était franco-russe. Certes, Francofonia n’est pas le meilleur film de Sokourov, son œuvre la plus follement ambitieuse, mais on s’en contente bien dans la pénurie ambiante. Au moins, c’est filmé, original, les personnages sont intéressants (l’anti-Bigger splash). Puisqu’il s’agit de raconter l’histoire de deux hommes qui sauvèrent les œuvres du Louvre après l’invasion de l’armée allemande en 1940. Un Français (Louis-Do de Lenquesaing, méconnaissable, mûr), et un officier allemand : Jacques Jaujard, directeur du Louvre, et le Comte Franz Wolff-Metternich, nommé à la tête de la commission allemande pour la protection des œuvres d’art en France. Deux amoureux de l’art, mais aussi deux fonctionnaires honnêtes qui menèrent la mission qu’ils s’étaient fixée sans coup férir, sans peur, avec une dignité, un respect que décrit en tout cas Sokourov avec un plaisir manifeste.
Car au-delà de l’histoire (ces deux hommes ont évidemment existé) et de la reconstitution d’une époque, c’est une relation tout à fait particulière, qui n’est ni sexuelle, ni amoureuse, ni amicale, qui intéresse Sokourov, qui jusqu’ici nous avait habitué à raconter des histoires de mères, de pères et de fils. Ici, ce sont deux hommes de pays et de naissance différents, qui vont trouver leur noblesse et leur épanouissement, au risque de leur vie, dans la complicité, l’intelligence, la rigueur et l’accomplissement d’une œuvre de salut public, dans le sauvetage d’une part majeure du patrimoine artistique mondial (on parle de la Joconde et de la Vénus de Milo, n’est-ce pas) pour qu’il ne tombe pas sous la coupe de barbares. Sans avoir jamais essayé, par la suite, après la guerre, d’en avoir tiré la moindre gloire. C’est un film sec et digne sur deux hommes de bien.
Demain, je vous parlerai des nouveaux films de Pablo Trapero et Amos Gitaï.
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