Honneur aux Américains à Venise avec l’entrée en compétition hier de Marriage Story de Noah Baumbach et Ad Astra de James Gray. Deux films qui proposent chacun à leur manière, relation de couple et relation père-fils, des réflexions sur les liens humains qui nous (dés) unissent.
Comme hier, avec le Ko-eda ou le Polanski, il est aussi question de vérité dans les films des américaines Baumbach et Gray, présentés en compétition hier. Pourquoi, pour divorcer, dans nos pays civilisés, sous l’injonction des avocats (et dans leur intérêt), est-il besoin de mentir, de se mentir, même, de se souiller donc, et de faire mentir les autres (les membres de sa famille qui témoignent) pour parvenir à obtenir de l’argent de son futur ou de sa future ex qu’on aimait tant, ou pour obtenir la garde d’un enfant et que l’autre disparaisse et aille mourir ailleurs, seul, loin, haï ? C’est le récit de Marriage story de Noah Baumbach.
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Pourquoi, pour réussir à se constituer ou se reconstituer, doit-on cesser de se mentir à soi-même, parvenir à reconnaître cet héritage qu’on tient d’un autre homme, son père, une génétique que l’on n’aime pas spécialement et que l’on doit bien finir par reconnaître et/ou accepter pour pouvoir s’en libérer, vivre et aller dans le monde libre, sans poids, en apesanteur ? Pourquoi, parfois, faut-il aller au bout du monde pour trouver l’endroit où l’on ne peut plus se mentir, celui où se trouve le père qui ne nous a jamais aimés et que l’on aime malgré tout, parce que c’est le seul moyen de vivre ? C’est le récit d’Ad Astra de James Gray. La vérité, toujours.
Mais il y a d’autres points communs très fort entre les deux films, qui ont scotché les festivaliers. C’est un système d’aller et retour qui marche aussi bien dans les histoires de couple finissantes que dans les voyages interspatiaux.
Tuer le père
Brad Pitt est un astronaute admiré. Parce qu’il ne panique jamais, que son pouls ne s’élève quasiment jamais, même lorsqu’il est en danger de mort imminente… Mais aussi parce que son père est un héros de l’aventure spatiale, disparu vingt ans plus tôt aux confins du système solaire, en cherchant ailleurs une vie extraterrestre. Or la Terre est victime d’attaques qui semblent venir de ce coin-là de l’univers. Le père de Pitt serait-il toujours vivant ? On missionne Pitt pour aller le chercher, voire pour le mener à éliminer ce père devenu sans doute fou et dangereux. Tuer le père, donc, rien que cela… L’aventure de Pitt est dangereuse, il mettra beaucoup de temps à accéder à ce qu’il cherche (on pense souvent à Apocalypse Now en voyant Ad astra, ainsi qu’au film précédent de James Gray, encore une histoire de père et de fils, comme The los city of Z). Mais le chemin ne sera pas toujours droit. Il prendra des chemins de traverse…
Un chef-d’œuvre avec un Brad Pitt au sommet
Ad Astra décrit de multiples décollages et l’histoire d’un recollage, d’un cordon ombilical symbolique qui attache malgré eux un père et son fils. Il s’agit de recoller tous les morceaux d’une vie passée, de faire fusion de la haine et de l’amour. Alors que les fusées qui emmènent Brad Pitt (génial) de la Terre à la Lune, puis de Lune à Mars et enfin de Mars à Saturne, perdent à chaque fois des étages, le récit s’allège, s’alourdit, se perd, revient en arrière, vit des cauchemars (comme celui de cette station abandonnée peuplée d’animaux…), se répète et prend la forme d’une analyse freudienne. Le film, totalement envoûtant, est un chef-d’œuvre. Brad Pitt est au sommet.
Va et viens de l’impossible amour
Marriage story n’est sans doute pas un chef-d’œuvre, mais l’un des meilleurs films de Baumbach, Adam Driver et de Scarlett Johansson, celui où le cinéaste américain va le plus loin dans la violence. Là encore, il s’agit d’allers-retours incessants, entre New York et Los Angeles, entre l’amour et la haine, la jalousie et l’admiration, la vérité et le mensonge (tout est interprété à double-sens, selon que c’est l’avocat de l’une ou de l’autre qui s’exprime). Les amoureux se déchirent devant leurs avocats, mais se font la bise en sortant. Quelle folie… Va et viens du cœur et de l’esprit, l’amour est impossible. Seul le temps répare non pas le couple, mais de possibles retrouvailles, un nouveau collage des mêmes pièces dans un autre ordre. Ajoutons finalement que le film est aussi extrêmement drôle.
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