Pablo Larraín poursuit son œuvre de biographie maniériste mais se perd dans un portrait pauvre et chichiteux de la princesse des cœurs.
Il faut d’abord préciser qu’on a souffert ces derniers temps d’une petite surdose de Lady Di – au centre de la dernière saison de The Crown (interprétée par Emma Corrin), de la prochaine (où Elizabeth Debicki reprendra le rôle) qui commence déjà son teasing, et d’une palanquée de documentaires que Netflix a proposé en complément de programme. D’où une certaine lassitude au moment de voir apparaître dans une nouvelle variation la silhouette de Diana ; ou plutôt celle de Kristen Stewart, qui ne lui ressemble pas du tout, et qui n’est jamais Diana, mais seulement Kristen Stewart déguisée en Diana.
Excès de simplification
Cela pourrait ne pas être un problème, si Larraín avait offert à cette incarnation à côté d’elle-même, en décalage plus ou moins assumé, un écrin aussi riche que dans ses précédents films. Car le réalisateur n’est pas un auteur de “biopics” au sens strict : ses travaux sur Pablo Neruda et Jackie Kennedy ne sont pas des récits de vie, plutôt des installations-portraits sophistiquées, préférant la construction éparpillée, les montages dédaléens, l’hybridation fusionnelle des images d’archives et de fiction, laissant de côté des pans entiers de la vie de ses sujets, voire n’en reconstituant qu’un bref épisode.
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Mais Spencer n’est quasi rien de tout cela, car le Chilien a, semble-t-il, voulu simplifier son art pour le réduire à sa portion congrue : une légende, une actrice, un corps, et une dévotion totale du film à ce corps, sans à-côtés, sans sous-couches.
Simple exécution
Nous sommes à Noël 1991, dans la résidence de Sandringham House. La tension est au plus fort entre la famille royale et Diana, qui se calfeutre dans sa chambre, ou court dans le domaine, dans un état constant d’hébétude, à peine calmé par quelques parenthèses avec ses fils. Agitation, paranoïa et larmes auxquelles s’ajoutent les incontournables crises de boulimies et les terribles scènes de vomissement qui en résultent : le rôle de Diana est si connu qu’il relève désormais du pittoresque, et Stewart s’y prête moins comme à un rôle qu’on habite que comme à un numéro qu’on exécute.
Parce qu’il n’y a rien ou presque autour – excepté des parallèles très lourds avec Anne Boleyn, l’épouse décapitée d’Henry VIII, relevant plutôt de la psyché paranoïaque et obsessionnelle de la princesse (qui s’y assimile) que de la dialectique du film lui-même, fort heureusement –, Spencer se retrouve coincé avec ce numéro, au mieux convenu et au pire grotesque, et finit par ressembler à un shooting de luxe plutôt qu’à un film, bien aidé par le sujet puisque Diana change de tenue à chaque repas.
Si le travail chancelant entre l’actrice et le rôle, cet entre-deux de la fiction qui faisait toute la tension bizarre de Jackie, est toujours la recherche du cinéaste, alors il se mue ici en une étude affectée et complaisante dans laquelle il a bien l’air de se perdre.
Spencer de Pablo Larraín. Avec Kristen Stewart, Timothy Spall, Sally Hawkins, Sean Harris… Prochainement sur Amazon Prime Video.