Entre une comédie italienne fade à la facture télévisuelle et un ego trip boursouflé de Nick Cave, les déceptions s’enchaînent à Venise.
Jusqu’à présent, Cannes et Thierry Frémaux peuvent dormir tranquilles, ce n’est pas le niveau abyssal de la compétition vénitienne 2016 qui risque de venir chatouiller leur hégémonie sur la planète des grands festivals de cinéma. Venise est certes une ville infiniment plus magique et moins bling bling que la cité azuréenne, et on n’y interdit pas le burkini sur les plages de son Lido, mais question prog’, à la Mostra, c’est pour le moment la Bérézina.
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Prenons la comédie de ce matin, Piuma, de l’Italien Roan Johnson (comme son nom ne l’indique pas) : un couple de lycéens de 18 ans, elle est enceinte, ils décident de garder l’enfant. Evidemment, branle-bas chez les parents, grands-parents et amis de l’un et de l’autre. Il y a bien quelques scènes de comédie à sauver (le père du gars, toujours au bord de la crise de nerfs, est assez drôle) dans cette bluette sur le désir de maternité, mais le récit tourne pas mal en rond (comme le ventre de la jeune femme) et ça ressemble visuellement au tout-venant télévisuel. Bref, Piuma n’est pas du tout au niveau d’une sélection officielle de grand festival international, ce que les critiques italiens présents dans la salle ont exprimé en termes plus directs et moins courtois que moi : « vergogna !!! (la honte !!!) » ont-ils hurlé dès le générique final.
Ensuite, le festivalier avait le choix entre Nick Cave et Rocco Siffredi. J’ai évidemment opté pour le bluesman-crooner australien mais j’ai peut-être eu tort. Présenté hors compète, One more time with feeling est un docu sur l’enregistrement de son dernier album, mis en scène par Andrew Dominik (L’Assassinat de Jessie James par le lâche Robert Ford, quand même), filmé en noir et blanc et en 3D. Un top réal’ américain ? La 3D ? Pour filmer des répétitions en studio ? WTF ?!?
One more time with feeling est un double exercice de narcissisme creux : celui de Nick Cave qui se laisse filmer comme s’il était une mégastar (je l’aime beaucoup mais sans lui faire injure, il n’est pas Elvis, Dylan, Lennon ou James Brown), en se laissant aller à divers commentaires peu intéressants sur la création, le temps, la mort, les femmes (je l’aime beaucoup mais sans lui faire injure, il n’est pas Jean-Paul Sartre, Slavoj Zizek ou Emmanuel Levinas) ; et celui de Dominik, qui multiplie les travellings en ne filmant pas grand chose (les bribes de conversations et interstices de mise en place d’un enregistrement, les murs, micros et tables de mixage d’un studio…) et en incluant dans ce presque rien son propre dispositif puisqu’une seconde caméra 3D filme la première caméra 3D et son rail de travelling circulaire enchâssant le chanteur.
Tout cela est aussi surgonflé que gonflant, les seuls moments vibrants surgissant quand Nick Cave chante une chanson intégralement sans interruption (il faut bien attendre une demi-heure avant que cette évidence ne survienne enfin dans le film). En sortant de ce film, atterré par tant de vanité, on se disait que cette compète 2016 est vraiment le festival des baudruches (on pense aussi à The Young pope, à Brimstone, à Une Vie entre deux océans, à Hacksaw ridge, voire à l’expérimental Spira mirabili, qui est vaniteux d’une autre manière) : plus il y a de moyens, de luxe esthétique ostentatoire, de poudre aux yeux formelle, moins il y a de substance et de réelle invention, vérifiant l’axiome de la proportionnalité inversée. Tiens, j’aurais mieux fait d’aller voir Rocco (et ses paires ?).
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