Véritable “Easy Rider” de la Gen Z, “Gasoline Rainbow”nous emmène dans une épopée folle à travers les États-Unis. Un teen movie épris de liberté. La révélation de cette Mostra 2023.
Il est bientôt minuit dans une des plus petites salles de la Mostra, où une poignée de journalistes et de professionel·les regardent les derniers instants de Gasoline Rainbow, sélectionné dans la section Orizzonti et réalisé par les frères Ross, déjà remarqués à la Berlinale avec Bloody Nose, Empty Pockets (2020). Sur l’écran et au son de Changes d’Antonio Williams et Kerry McCoy défilent les uns après les autres les visages des cinq jeunes gens qu’on vient de suivre dans leur épopée folle à travers les États-Unis. Ces visages à qui on est train de dire adieu le cœur chargé de la puissance dingue du film, ce sont ceux de la révélation de cette Mostra, mais surtout ceux de la Gen Z, dont le film tire un portrait sublime.
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À l’aune de leur entrée dans la vie d’adulte et le monde du travail, ces cinq jeunes – deux filles et trois garçons – ont ensemble décidé de s’octroyer une dernière folie, une overdose d’insouciance et de vie offerte à l’imprévu. Chargé·es en weed et à bord d’un vieux van, ils et elles quittent leur petite ville morne de l’Oregon avec, pour seul objectif, d’atteindre la côte Pacifique.
L’Amérique des marges
Commencé sur des routes désertiques, le film avance ensuite à pied, en train, sur les roulettes d’un skate et même sur les flots. Il est constitué d’une suite de rencontres qui débouchent chacune sur la découverte d’un nouveau lieu – un désert qui ressemble à un vaste lac, une soirée improvisée autour d’un feu, un train de marchandises clandestinement occupé et une destination finale fantasmée – : un festival nommé The End of the World. Car c’est bien la fin du monde de l’adolescence que ce road trip explore avec une mise en scène à la fois unique et en ascendance directe avec un autre monument de la contre-culture américaine : Easy Rider. Même portrait en creux d’une Amérique des marges, même teen spirit endiablée, même liberté totale et même grands espaces.
Brouillant la frontière entre documentaire et fiction, Gasoline Rainbow se situe quelque part entre le film de Dennis Hopper, American Honey, Spring Breakers et À l’Abordage. Comme chez Guillaume Brac, les acteur·trices sont tous·tes non-professionnel·les et le duo de cinéastes, les frères Ross, ont ce même talent pour rendre compte de l’expérience de la vie telle qu’elle s’écoule, avec son lot d’imprévus et son naturel désarmant. Il est tout simplement indécidable de savoir ce qui dans le film est improvisé ou scénarisé.
Un film punk
Film punk, Gasoline Rainbow raconte à la fois l’Amérique des laissé·es pour compte, son motif est la carcasse, son décor une zone industrielle en friche. En visite dans les marges avant de devoir, ou pas, rentrer dans le droit chemin, attiré·es comme des aimants par la subculture plutôt que par une culture dominante qu’elles et ils rejettent, les jeunes représentent une génération à la langue et au rapport au genre en rupture avec les générations précédentes. On quitte la salle regonflé par l’amour qu’ils et elles se portent entre eux et par le regard incandescent que les frères Ross ont posé sur eux.
La 80e édition de la Mostra de Venise se tient cette année du 30 août au 9 septembre 2023.
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